Un hivernage moyen
Cette année, l’hivernage est encore très moyen au Brakna. Sur les cinq moughataas de la wilaya, c’est à peine si deux (Magta Lahjar et Boghé) ont reçu leur quota habituel de précipitations. Aleg, Bababé et M’Bagne en espèrent plus, pour que les champs et les pâturages puissent satisfaire les ambitions des paysans et des éleveurs qu’une longue période de soudure a terriblement éprouvés. Beaucoup de têtes de bétail sont tombées, entre la vente pour l’entretien et la mort naturelle, de fatigue ou de maladie. Selon S.S, frère d’un des plus riches éleveurs, « nous avons fourni, chaque jour, pendant au moins cinq mois, une tonne d’aliments à nos bêtes. Ce qui n’a pas empêché d’en perdre plus d’une cinquantaine ». De son côté, A. Mohamed Lemine assure qu’il a fallu aller jusqu’au Mali, pour assurer la pâture des animaux. Des confins du Gorgol aux encablures de Chelkhet Demba, vers la frontière avec le Tagant, oueds, prairies et tamourts sont loin d’offrir les habituellement idylliques paysages des bons hivernages. Mais des campements sont, tout de même, dressés, ici et là, peuplés de vacanciers et autres amateurs de lait frais. Pour Mahmoud S., « l’hivernage n’est pas encore fini. Les pluies peuvent encore tomber. D’ailleurs, mieux vaut que ça vienne en retard. Comme ça, la période de soudure sera moins longue ». En attendant, le spectre d’un hivernage médiocre plane sur le Brakna. Ses paysans et ses éleveurs espèrent encore que le ciel entende leurs implorations et les arrose d’abondantes pluies.
Ahmed ould Abdallah, un ami du Brakna
Au dernier remaniement partiel du Gouvernement, le wali du Brakna, Ahmed ould Abdallah, a été nommé ministre de l’Intérieur et de la décentralisation. Une véritable promotion pour cet homme de l’Est – très exactement, de Hassi Abdallah, aux environs d’Aïoun – réputé particulièrement autoritaire. Il en fit notamment la preuve, en 2012, dès sa prise de fonction au Brakna, en renvoyant, lors de la première réunion de contact avec son équipe, un fonctionnaire entré, dans son bureau, téléphone à l’oreille, et exigeant explications des chefs de service qui n’avaient pas répondu à la convocation. Dans l’affaire de Dar El Barka, Ahmed ould Abdallah choisit la solution sécuritaire, en expédiant, au cachot, deux paysans rebelles et mettant sous contrôle judiciaire un troisième. Il reçut Mohamed ould Abdel Aziz deux fois au Brakna. En Juin 2014, tout se passa relativement bien. En Mai 2015, par contre, les amis du président Birame ould Dah faillirent gâcher la fête. Certains observateurs voyaient Ould Abdallah faire les frais de ces incidents. Visiblement, ils se sont trompés.
Le wali du Brakna entretenait des relations plutôt froides avec les cadres de la région. « En haut en haut », il se montrait équidistant envers tous. « En bas en bas », Allah seul sait. Sa gestion des élections législatives et municipales fut acceptable en ce qu’il refusa d’entrer dans les petites querelles entre les multiples tendances politiques locales. Mais ses anicroches avec les politiciens de l’arrondissement de Male resteront dans l’histoire. Ancien hakem de Boghé, ancien wali de Kaédi et de Nouakchott d’où il partit, sur fond de problèmes avec de puissants lobbies, Ahmed ould Abdallah revient dans la capitale en premier flic de Mauritanie. Sa poigne et son caractère le prédisposent à être un bon ministre de l’Intérieur. Les réalités, les contingences et les intérêts lui en laisseront-ils l’opportunité ?
Affaire Dar El Barka : la tension baisse
Il y a maintenant au moins deux ans que l’Etat mauritanien a octroyé de vastes domaines agricoles, à un investisseur saoudien, dans la zone de Dar El Barka. Cela suscita, au début, une très forte opposition des habitants locaux, forts de leurs tenures traditionnelles sur ces terres. Pour les calmer et les convaincre de la justesse de la mesure, l’Etat leur envoya, d’abord, des délégations officielles composées de ministres, notamment ceux de l’Agriculture et des Finances, puis, histoire de faire pression et faire entendre raison aux mécontents, des cadres et autres notables de la région. Mais, en dépit de toutes ces manœuvres, les gens de Dar El Barka, encadrés par un vigoureux comité du refus, restaient fermement opposés à ce qu’ils considèrent comme une expropriation, en « bonne et due » forme, de leurs terres. Sans se démonter, le groupe saoudien entreprend les aménagements du site. Les populations essaient de s’interposer. Les autorités interviennent. Trois meneurs – Brahim ould Inalla, Dellahi ould Seyidi et Abderrahmane ould Seyidi – sont accusés de menacer les travailleurs du projet et arrêtés. Les deux premiers sont incarcérés à la prison d’Aleg où ils séjournent encore. Le troisième est placé sous contrôle judiciaire. Les travaux de l’investisseur saoudien peuvent continuer, sous le contrôle d’un peloton de la gendarmerie qui soumet les habitants de la zone à un couvre-feu restrictif, de minuit au petit matin. Tandis que, classique du genre, le groupe du refus, dirigé par l’ancien maire de Dar El Barka, se voit infiltré. Certains de ses membres commencent à « s’assagir ». Son président Tidiane Kane aurait même été reçu par Mohamed ould Abdel Aziz. La tension commence à baisser. Le groupe se divise. Entre pressions, prison et tentations, les gens de Dar El Barka n’ont plus que le choix d’accepter le fait accompli. Raison d’Etat ou autorité de l’Etat ? C’est tout comme.
Le Brakna n’est pas trop en reste
En termes de partage des hautes fonctions de l’Etat, la région du Brakna n’est vraiment pas en reste. Avec quatre ministères – deux de souveraineté (Défense et Finances), plus la Culture et l’Artisanat et la ministre délégué aux Affaires africaines, quatre ambassadeurs (Brésil, France, Japon et Bahreïn), la vice-présidence du Sénat, la direction générale de diverses sociétés majeures, comme la SNIM ou la SMCP, deux généraux en activité, aux commandes de puissantes structures comme la Direction Générale de la Sûreté et l’état-major de la Garde nationale sans compter la poignée de conseillers dont celui chargé, auprès du Président, des finances et de l’économie, le Brakna n’est pas en dehors du système. C’est politiquement normal, puisque la wilaya est totalement acquise au parti de l’Etat. Les résultats des fameuses élections de 2013 et 2014 attestent son soutien au Raïs en titre. Tous ses parlementaires (députés et sénateurs) sont issus des rangs de l’UPR et, à l’exception de la petite commune d’El Ver’e (département de Bababé) dont le premier édile relève d’El Wiam, la vingtaine d’autres maires sont du parti du pouvoir.