Reportage : Bel hivernage à l’Est

20 August, 2015 - 10:17

Après une peur bleue de la réédition d’un nouveau mauvais hivernage, les populations des wilayas de l’Est (Assaba et deux Hodhs) poussent un grand ouf de soulagement, puisque de belles pluies ont fait, de leur découragement, un mauvais souvenir. Dès les environs d’Al Ghayra en allant vers les collines de Diewk, c’est, déjà, tout un paysage de petites mares, ruisseaux verdoyants et bergers tout contents de voir leurs troupeaux reprendre forme, broutant une belle herbe que des pluies intermittentes rendent encore plus savoureuses. Les alentours immédiats du goudron sont ornés d’herbes et d’eaux ruisselantes. Quelquefois, des voyageurs, attirés par la beauté de cette nature, ne résistent pas à y s’arrêter, par groupes, pour déguster un bon méchoui, agrémenté d’un excellent thé sur les braises incandescentes d’un fourneau providentiel que le chauffeur tient toujours dans ses bagages. Au poste de gendarmerie de Chgueygue, un bon paquet de voitures attendent contrôle. Notre turbulent chauffeur a failli nous retarder, en soulevant l’ire d’un jeune gendarme que le sigle SOS Esclaves semble particulièrement irriter. Plus de peur que de mal. La passagère incompréhension est surmontée.

 

Verdure à vue d’oeil

Cap sur Kamour où un imposant pont qui aurait coûté vers un milliard est en finition. Les arrêts intempestifs de plusieurs jours dans sa ba’tha ruisselante ne seront plus qu’un mauvais souvenir. De Kamour, en passant par Guérou jusqu’à Kiffa, une pluie douce rend le climat adorablement doux. Les hauteurs du PK 70, le virage de Tamchekett, et autres petits villages aux abords du goudron menant vers Tintane luisent au soleil. Les hangars, les tentes et les abris de fortune sèchent. Des troupeaux de moutons, de vaches et quelques ânes broutent tranquillement, non loin de la route. Entre Kiffa et Aïoun, ce n’est plus qu’une question de deux heures de temps. Les cinq à six heures que les 210 kilomètres qui les séparent ne sont plus qu’anecdote de passagers. Le goudron a été impeccablement réparé. Les stigmates des anciennes couches de celui de la société brésilienne, Mendès Junior, qui bâtit la Route de l’espoir jonchent la route. Pas besoin de Tintane. Alors, le chauffeur le contourne, par une voie exceptionnellement aménagée pour cela. Direction Aïoun, 70 kilomètres plus loin. Même paysage : les espaces sont couverts de verdure. Les campements. Les villages. Les petites montagnettes aux sommets reverdis. Puis encore un autre détour, pour éviter le marché bruissant de la capitale du Hodh El Gharbi. Petite polémique autour de la nécessité ou non de prendre un verre de thé. Finalement, les oui l’emportent sur les non. Arrêt au dernier hangar de la ville, pour commander l’exquise boisson. Quinze à vingt minutes et en route vers Néma. Il est treize heures trente minutes. Les discussions sur où passer la journée reprennent. Après de houleux débats, ce sera Timbedra. Pour la prière, le méchoui et le thé. Solides arguments. Encore un gros hangar pas très propre. De la viande prétendument de mouton. Vite vite braisée sur un grillage rouillé ou sale. Y a que l’embarras du choix. Peu importe. La viande est mangeable. Goulûment mangée même. L’hivernage de Timbedra est extraordinaire. Oum Lahbal. Oum La’wam. Aweinat Z’bil. Quels beaux paysages ! Puis on repart vers Néma. Entre les deux villes, c’est encore 107 kilomètres à parcourir. Mais sans monotonie, puisqu’au long de la route, tout est joyeux. Des dizaines d’ânes bien en forme narguent les voitures. Les klaxons répétitifs de notre insolent chauffeur ne permettent guère de les dégager du goudron. On les contourne donc, eux aussi. La belle mare de Mahmouda, à quelques vingt ou trente kilomètres à l’Est du goudron, est la destination privilégiée des estivants. De loin, les arbres de Sak Werken sont complètement pris d’assaut par des groupes venus se ressourcer, en humant l’air humide au bord d’une « eau déposée » et en se baladant entre les herbes aux senteurs enivrantes. Enfin, les alentours de Néma. Une plaque annonce, pompeusement, l’aéroport de la ville. Poste de gendarmerie. Poste de police. Contrôle de routine. Enfin, voilà-Nous : Mission de SOS Esclaves, pour une formation de trois jours, au profit de quelques femmes récemment sorties de l’esclavage, et de femmes-mentors, membres de l’association chargées de les aider à s’intégrer à une vie normale. Grosse chaleur, le jour. Excellent climat, le soir. Lait de chamelle encore peu recommandé. Méchoui aux environs de la ville. Bel hivernage qui permet, aux éleveurs de cette importante région pastorale du pays, d’oublier les fatigues que le dernier mauvais hivernage leur a fait subir. Et, comme la fête de l’Id El Kébir approche, ces éleveurs s’activent à engraisser leurs moutons, dans la perspective de rentables voyages vers l’autre Mauritanie, afin de recouvrer une partie de cet argent qui a servi, pendant de longs mois de soudure, à entretenir le cheptel.

 

Sneïba El Kory, depuis Néma