Fatimata Barry, Aminata Athié dite Coumba, Mint Khai et bien d’autres femmes, longtemps martyrisées par la fistule obstétricale et victimes d’un injuste rejet social, tournent fièrement cette page douloureuse de leur vie. Après avoir retrouvé la santé, elles vont pouvoir forcer le respect de la communauté et, même, mordre la vie, à pleines dents, grâce à l’exercice d’un nouveau métier, fruit d’un processus soigné de réinsertion.
Sur financement du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), vingt-cinq de ces femmes (quinze, dans l’immédiat ; les autres au cours des prochains mois) bénéficie(ro)nt, en effet, d’outils de travail et d’une enveloppe en liquide de deux cents dollars US (soit 60.000 UM) pour entreprendre une Activité Génératrice de Revenus (AGR).
La distribution des aides a été organisée à la maison des jeunes de Kiffa, le jeudi 30 Juillet dernier, en présence du wali par intérim, Toka Koïta, du représentant résident de l’agence onusienne en Mauritanie, Assane Bâ, et d’une large brochette de personnalités issues du cercle des autorités régionales. Cette cérémonie officielle apparaît comme un prolongement de la célébration de la Journée Mondiale de la Population (JMP) du 11 Juillet dernier, dont le thème, on s’en souvient, entendait promouvoir « notre priorité : les communautés en situation de vulnérabilité ».
Approche pédagogique et appel aux autorités
C’est en toute liberté de choix, appuyée par une approche pédagogique intégrant le contexte et les réalités locales, en collaboration avec l’Association des Femmes Volontaires du Développement (AFVD), une ONG dirigée par madame Sedy Camara, que les bénéficiaires vont investir différentes filières de l’activité économique : commerce, élevage de poulets, couture… Dans son allocution de circonstance, le représentant résident de l’UNFPA les a invitées « à passer du statut de personnes vulnérables à celui d’actrices du développement, qui vont désormais pouvoir aider la famille dans la prise en charge du quotidien, grâce à de nouvelles sources de revenus » et développer les activités pour aller bien au-delà.
Madame Sedy Camara, sage-femme d’Etat dotée d’une solide expérience obstétricale, grâce à une trentaine d’années d’exercice de la profession, a, pour sa part, saisi l’opportunité de la cérémonie pour lancer un vibrant appel au président de la République et au gouvernement, en vue de « l’intégration de la pathologie de la fistule obstétricale dans le cadre de l’indigence, avec une ligne budgétaire nationale spéciale, visant sa proche éradication, afin qu’aucune femme ne meurt plus jamais en donnant la vie ». Revendication d’une pertinence incontournable, au vu d’une pathologie qui présente toutes les caractéristiques de l’extrême pauvreté, tant en ses causes qu’en ses conséquences.
Quant au wali intérimaire, il a remercié l’UNFPA, au nom du gouvernement, pour son assistance multiple et invité à la mobilisation de tous les segments de la société, afin de vaincre la fistule obstétricale, déjà éradiquée dans plusieurs pays, notamment en Europe et au Maghreb. Cette lésion « est la conséquence », a-t-il souligné, « d’un accouchement négligé (un risque aggravé en situation de mariage précoce, absence de consultations prénatales, travail hors de centre sanitaire ou intervention trop tardive de celui-ci) avec un impact destructeur sur la femme des femmes et des adolescentes ».
Entre autres effets directs, elle peut entraîner la mort du bébé. Mais, au quotidien, la femme se met à souffrir d’incontinence, dans l’incapacité de contrôler l’écoulement de l’urine et/ou l’excrétion des matières fécales. Elle se retrouve souvent abandonnée par son mari, sa famille et mise au ban de la société. Mais, au-delà de ce désolant constat, il y a la solution, toute simple, de l’intervention chirurgicale : bien recousue et suivie, une fistule guérit d’autant plus vite et sûrement qu’elle est soignée tôt. Ainsi nos mères, sœurs et épouses ont-elles accueilli, avec un soulagement certain, l’arrivée de « la chirurgie de l’espoir ».
Le programme de lutte contre la fistule obstétricale en Mauritanie a été intégré dans les activités des structures hospitalières nationales. Deux centres hospitaliers disposent maintenant de blocs opératoires adaptés à sa prise en charge – celui de Kiffa a été équipé par l’UNFPA – des ONG nationales ont été formées, pour rechercher activement les porteuses de fistules et assurer leur accompagnement. Vous souffrez d’une telle pathologie, vous connaissez quelqu’un qui en souffre ? Contactez l’une ou l’autre de ces ONG (1) : aucune situation n’est désespérée et l’éventail des aides est maintenant assez large pour répondre efficacement à toutes. En unissant nos efforts, la fistule obstétricale ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir, en Mauritanie.
Amadou Seck
Note
(1) : Outre l’AFVD pour le Gorgol (tél : 22 09 04 52, courriel : [email protected]), on peut citer, notamment : l’Association des Sages-Femmes de Mauritanie (tél : 36 20 21 14, courriel : [email protected]), l’Association Mauritanienne d’Urologie (tél : 36 30 51 64) et l’Association Mauritanienne de Gynécologie Obstétrique (tél : 22 43 36 55, courriel : [email protected]) Notez également que le processus d’aide (intervention chirurgicale + appui à la réinsertion) peut également se déclencher suite à une consultation gynécologique au Centre Hospitalier régional de Kiffa ou à l’Hôpital Mère et Enfan