Festival des dattes de Tidjikja : Rideaux !

6 August, 2015 - 02:40

Les rideaux ont été tirés, ce dimanche 2 juillet minuit, sur  la 6e édition du festival des dattes de Tidjikja. Une édition marquée par une mauvaise production de dattes. De mémoire d’homme, elle n’a jamais été aussi négative. Seuls les gros propriétaires disposant de forage en eau très profonde (70 m) disposent désormais de l’eau. Les petits exploitants voient  leurs  palmeraies disparaître. L’oued qui s’étale sur 40 km en amont et en aval de la ville s’assèche de jour en jour. Seuls quelques  privilégiés ont pu exposer  leur production. Le problème d’eau demeure une préoccupation majeure de la ville mais des autres zones de production.

L’autre fait marquant aura été  une importante présence des membres du gouvernement. Ils étaient quatre à avoir effectué le déplacement : Hindou Ainina, ministre  de  la culture et de l’artisanat, Brahim Ould M’Bareck , ministre de l’agriculture, Naha Mint Mouknass, ministre du commerce et Sidi Ould Zeine, ministre de l’urbanisme, de l’Habitat et de l’aménagement du territoire,  sans oublier le directeur général de Tadaamoun, Hamdi Ould Mahjoub, mais aussi  le coordinateur du  PNDU. On aura cependant remarqué  l’absence des maires  des autres wilayas  oasiennes que sont l’Adrar, l’Assaba et le Hodh El Charghi -  ils venaient en masse lors  des précédentes éditions. La morosité aura affecté également l’enthousiasme et la mobilisation des Tidjikjois.

Rendez-vous est donc pris pour 2016, et la question qui se pose est de savoir si où elle se tiendra. Tidjikja ou Atar?

En attendant, retour sur les grands moments du 1er festival sous le magistère de Saleck Ould Saleck, maire de Tidjikja.

 

La troisième journée du festival des dattes de Tidjikja a démarré, dimanche matin, par deux ateliers. Le premier portait sur la problématique de l’eau, le deuxième sur le développement du tourisme. Pour le premier, ce fut un véritable cri d’alarme. Il faut trouver l’eau, sinon, c’est l’avenir même de Tidjikja qui est compromis.

Le problème est sérieux. Non seulement ma ville manque d’eau mais l’oued, fondement économique de la cité, souffre aussi énormément, sinon plus, de cette carence. Les habitants commencent à l’abandonner. C’est une préoccupation majeure, parce que le manque d’eau potable et d’irrigation affecte, non seulement, les habitants mais aussi la production de dattes et le maraîchage. A cause de cette pénurie, la production de cette année aura été catastrophique. La maigre exposition de produits locaux en est une parfaite illustration.

Voilà pourquoi les organisateurs du festival ont  proposé un  atelier sur cette problématique. Une présentation assurée, de mains de maîtres, par les techniciens d’Ecodev. Dans leur intervention, ils ont d’abord dressé l’état préoccupant des lieux, avant d’inventorier les solutions préconisées pour régler définitivement la question. Pour cela, pensent ces experts, il faut réaliser rapidement une étude exhaustive sur le potentiel existant, à Tidjikja, dans ses environs ou ailleurs dans la région. Il n’en existe pas, à ce jour, en dépit des projets et programmes qui ont écumé celle-ci. Les participants, maire de Tidjikja en tête, ont tous adhéré à cette proposition. Tous ont demandé de se serrer les coudes et d’arrêter les palabres à ce sujet. Il faut agir et vite. Certains ont rappelé que, lors du premier festival de Tidjikja, un atelier avait déjà été consacré à la problématique de l’eau dans l’oued. D’importants bailleurs de fonds avaient exprimé leur intention d’accompagner la mairie, pour trouver des solutions mais le problème est toujours là. Les intervenants ont tous déploré cette situation et avancé quelques explications. A les entendre, l’absence ou la rareté de l’eau n’explique pas tout. La multiplication anarchique des forages, tout au long de l’oued, a contribué à assécher la nappe phréatique qui peine à se recharger des seules eaux de ruissellement. En bref, la demande épuise l’offre.

 

La fondation Mohamed Abdallahi ould Zeïne donne le ton

Face à l’urgence et soucieux d’aller très vite, les participants ont mis en place, à l’instigation de l’homme d’affaires Mohamed Abdallahi ould Zeïne, une commission de suivi du dossier. Sous la supervision du maire, elle a pour mandat de proposer rapidement  des solutions. Elle recherchera des moyens, auprès des bonnes volontés de la ville, pour réaliser l’étude du potentiel hydrique de la zone et  la mise en œuvre de  la solution préconisée : trouver de l’eau dans les environs de Tidjikja ; à défaut, la faire venir de la Tamurt. Mohamed Abdallahi ould Zeïne a annoncé que sa fondation, bien que déjà engagée dans la lutte contre le diabète, mettra les moyens pour réaliser l’étude en question. L’homme a demandé, à ses concitoyens, de cesser d’attendre tout de l’Etat, surtout en matière d’eau – « c’est partout dans le pays », a-t-il souligné, «  que les Mauritaniens réclament de l’eau » – en invitant les gens à une gestion rationnelle et durable de l’eau disponible.

Le second atelier a  permis, à ses participants, de mieux évaluer le potentiel touristique de la ville et les perspectives qu’il peut ouvrir. Il a été demandé de réhabiliter la Ghadima, avec les moyens traditionnels d’antan : banco, pierres et matériaux issus du palmier ; de préserver les nombreux manuscrits des bibliothèques traditionnelles, hauts lieux de mémoire susceptibles d’attirer les touristes dans la wilaya ; et de construire des sites d’accueil, pour les visiteurs nationaux et étrangers. Une commission a également été mise sur pied pour faire des propositions concrètes en ces sens.

 

Les  temps forts du Festival

Démarrées le 31 Juillet, les manifestions de la sixième édition du festival des dattes se sont donc poursuivies, dans la capitale de la wilaya du Tagant, entre application studieuse et morosité, suite à l’effondrement de la production dattière locale. Les deux premiers jours ont été marqués par une cérémonie d’ouverture décalée de quarante-huit heures après la date prévue, à cause d’un orage  avorté qui  a renvoyé les festivaliers, rassemblés en grand nombre, place de la mairie, vers une visite guidée de l’ancienne cité de la Guadima, avant une journée à Rachid, capitale de commune de Wahaatt, à 45 kilomètres de Tidjikja et quelques ateliers.

La cérémonie d’ouverture a été présidée par la ministre de la Culture et de l’artisanat, madame Hindou mint Aïnina, en présence de ses homologues  de l’Agriculture, du Commerce, de l’Urbanisme et de l’habitat, du DG de Tadaamoun, du représentant du PNUD en Mauritanie, invité d’honneur du festival et l’un de ses bailleurs de fonds, du wali de la région, du président de l’Association des Maires du Tagant pour le Développement  (AMTD), Sidi Mohamed ould Mohamed Vall, dit Ghrini, du maire de Tidjikja, maître d’œuvre, des cadres de Tidjikja et de la wilaya, tous copieusement applaudis par un public étoffé.

Dans son discours, Hindou mint Aïnina a expliqué, après avoir remercié les organisateurs et la population de Tidjiklja pour leur accueil, toute l’importance que le gouvernement accorde à la culture, rapportant, au passage, l’adoption récente d’un Plan national pour le développement du patrimoine culturel du pays. Un programme dont l'objectif est de recenser l'ensemble de ses richesses, en vue de les protéger et de les vulgariser, pour permettre, à la Mauritanie, d'en tirer le maximum de profit. Elle a appelé, par la même occasion, l’ensemble des acteurs mauritaniens, surtout les maires, à la mise en œuvre de ce plan. Du Tagant, madame la ministre a cité les nombreux lieux de mémoire, évoquant l’important potentiel culturel et touristique de cette région qu’il faudrait développer, pour le bonheur, bien sûr, de ses habitants mais, aussi, du pays tout entier.

Avant cette remarquable intervention, le premier magistrat de la ville, Saleck ould Saleck, avait souhaité la bienvenue aux festivaliers, en les remerciant d’avoir répondu, en grand nombre, à l’invitation de  la commune, sans manquer de relever le concours des très nombreux partenaires qui ont contribué à la réussite de cette sixième édition, organisée en collaboration avec l’AMTD. Pour sa part, le p<résident de ladite association, Sidi Mohamed ould Mohamed Vall (Ghrini) n’a pas manqué de louer l’initiative de Tidjikja d’avoir initié le Festival des dattes, en déplacement dans l’Adrar, l’année dernière, pour sa cinquième édition, avant d’ouvrir, cette année, une fenêtre pour une commune de la wilaya ; Wahaatt, pour ne pas la nommer. Après cet échange d’allocutions, les festivaliers ont suivi, jusque  tard dans la nuit, une soirée culturelle et artistique, dirigée par le grand griot Hamady ould Nanne.

 

Ghadima officiellement inscrite au Patrimoine national

Le premier jour du festival aura été marqué par l’entrée officielle du vieux quartier de la Ghadima au Patrimoine national. Une cérémonie qui a vu madame la ministre de la Culture  et l’artisanat remettre,  au maire de Tidjikja, une attestation officialisant cette consécration. L’acte est intervenu au terme, justement, d’une visite guidée du plus vieux quartier de la ville, fondée en 1660. Des espaces en ruines et désertés de  la majorité de leurs occupants, partis s’installer dans les nouveaux quartiers de la capitale régionale. Il faut rappeler que, lors du premier festival de Tidjikja, un premier pas avait été franchi vers cette inscription au Patrimoine national. La Banque mondiale et le PDU avaient notamment exprimé leur intention d’accompagner la mairie dans cette démarche.

Au cours de la visite guidée dans les rues étroites de Ghadima, la délégation ministérielle, accompagnée par le wali du Tagant, a effectué deux arrêts, remarqués. Le premier dans l’ancienne maison de Sidi Abdoullah ould El Hadj Bram, érudit de Tidjikja dont le tombeau se trouve à Ghouba, à 65 kilomètres au sud-est de Tidkjikja ; l’autre dans celle de Taleb ould Khantouch, autre grande figure de cette citée historique. La ministre et ses homologues ont été accueillis par les descendants de l’érudit qui avaient déployé de gros efforts pour dépoussiérer la maison paternelle, exposant, aux visiteurs, manuscrits et autres objets. Madame la ministre a écouté avec intérêt les explications des membres de la famille.

 

Rachid : le développement intercommunal au menu

Le second jour  aura été marqué par le déplacement à Rachid, capitale de la commune de Wahaatt. Un déplacement  à forte teneur économique. Dans son bref exposé, le maire de la commune, le docteur Mohamed ould Dié, a exposé le plan stratégique de développement  intercommunal du Tagant, conçu et réalisé par l’AMTD, avec l’appui de la coopération allemande, la GIZ. Ce plan, assorti d’un portefeuille de projets, vise à mutualiser les efforts des communes pour réaliser, en étroite concertation, le développement ordonné de leur commune respective. Le maire de Rachid a annoncé que ledit plan sera soumis aux bailleurs de fonds, lors d’une table ronde prévue en Octobre prochain, à Nouakchott. Après l’intervention du maire de Wahaat, les ministères  de la Culture et de l’artisanat, de l’Agriculture, de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire, ainsi que Tadaamoun, ont exposé, chacun, la stratégie de son département, les programmes ou projets en cours pouvant intéresser les communes de l’AMTD. Ils ont exprimé leur  volonté d’accompagner les efforts de l’association pour atteindre ses objectifs calés à ceux du gouvernement.

Au terme de cette rencontre entre le sommet et la base, les festivaliers ont visité une exposition de produits dattiers et artisanaux, avant de s’arrêter au pied de l’ancienne ville de Rachid, détruite, à coups de canons, par les forces coloniales françaises. Le docteur Mohamed ould Dié a donné des explications détaillées sur cet épisode dramatique. En réponse, la ministre de la Culture et de l’artisanat a exprimé la disponibilité de son département à sortir de l’oubli ces importants lieux de mémoire. Et, comme elle sait si bien le faire, la ville de Rachid a offert un somptueux déjeuner aux festivaliers, sous la houlette du député de Tidjikja, Sid’Ahmed ould Dié.

Notons enfin qu’en marge du festival, les participants ont pu suivre deux ateliers de formation et de sensibilisation. L’un, financé par le PNUD, sur l’islam, la lutte contre le terrorisme et le traitement judiciaire de cette question ; l’autre, financé par la Fondation Nour, sur le programme d’employabilité de 79 jeunes, mis en place par l’Association des amis de Moudjéria.

Dalay Lam

Envoyé spécial