Depuis quelques années, la Mauritanie est classée en tête des pays arabes, en matière de liberté de presse, par l’ONG « Reporters Sans Frontières » (RSF). Une occasion rêvée, pour les pouvoirs publics et les media aux ordres, de vanter les mérites du « modèle mauritanien ». Oubliant, au passage – volontairement ? – ce que certains journaux et journalistes ont enduré, durant vingt années, pour que le pays en arrive là. De nouveaux visages font ainsi leur apparition, comme pour cacher les anciens et expliquer, en long et en large, ce que la Rectification a apporté au pays tout entier et à ses media, en particulier. Où étaient-ils, ces nouveaux chantres de la liberté, lorsque la presse se faisait censurer, interdire et malmener, en vertu du fameux article 11 liberticide ?
La presse, la vraie, celle qui a osé dire non, qui a soulevé les dossiers qui fâchent, qui a évoqué le passif humanitaire, lorsqu’il était encore tabou, qui a dénoncé l’esclavage, qui a mis à nu la démocratie de façade que nous vivons, depuis 1991, a toujours été – et reste encore – marginalisée. La situation que nous avons vécue, sous Ould Taya, et celle que nous vivons, présentement, sont sensiblement les mêmes, la censure en moins. Ostracisme, pressions en tout genre et exclusion étaient – et demeurent – notre lot quotidien. « Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir » s’appliquerait, transposé à la presse, parfaitement à notre situation. D’autant plus que, depuis quelques mois, un autre coup bas est en train de nous être asséné, en douce. On veut nous frapper là où ça fait le plus mal : au niveau du portefeuille. Comme si nous étions habitués à vivre dans l’aisance ! Des personnalités influentes, parfois haut placées, utilisent leur position dominante, pour faire pression sur des clients de certains journaux et sites parfois très peu tendres avec le pouvoir, pour les amener à ne plus traiter avec eux. On ne sait toujours pas, malgré plusieurs cas répertoriés et preuves à l’appui, s’il s’agit d’une manœuvre orchestrée du pouvoir ou l’excès de zèle de l’un ou l’autre de ses fonctionnaires qui confondent, aisément, (se) servir et sévir.
Dans le torrent d’autosatisfaction déversé, en hauts lieux, sur le « modèle mauritanien », on n’imagine pas, un seul instant, l’Etat reconnaître sa main sous ces sales combines. Mais, à défaut de (pouvoir) sévir contre elles – faudra-t-il déposer plainte devant la Haute Autorité de la Presse et sous quelle forme, pour mettre le pouvoir au défi de mettre de l’ordre dans ses troupes ? – il serait du meilleur effet qu’un pays prétendument démocratique s’engage à des actes positifs, précis et dynamiques, assurant la plus vaste pluralité possible d’expression des points de vue mauritaniens, dans toute leur diversité. Comment ? C’est une excellente question. Il ne manque plus que la décision d’en haut, tout en haut, pour qu’on en discute. Nous, nous y sommes prêts.
Ahmed Ould Cheikh