Le F’tour. J’allais oublier que c’est le Ramadan. Le mois béni, plein de baraka et de miséricorde. Le mois où tous les djinns sont en prison. Bien entendu que les djinns de nou’zautres les humains sont ingérables, insondables, intraitables. Autour du F’tour, c’est toute une symbolique, tout un manège, toute une mobilisation. Ça va de sa quête jusqu’à son anéantissement. Il y a, d’abord, l’Iftar Essaïm ou Iftar des imams, c’est pareil, puisque, de toute façon, ça passe via la mosquée et, là, le chef, c’est l’imam ; Comme on dit, « celui qui se charge de quelque chose en goûte ». Mais il paraît qu’il n’y en a pas, cette année. C’est pas gentil. C’est pas sérieux. C’est même pas islamique. Laisser les imams sur leur faim ! Comment vont-ils faire la prière, alors ? A jeun ? Sans F’tour, après un long jour de Ramadan ? Et puis, ce n’est pas que la prière écrite, obligatoire. Il y a aussi les autres, les surérogatoires. Les Tarawih. Les particulièrement très longues. Celles qui nécessitent, vraiment, de s’être tapé un bon F’tour. Ça, ce sont les conseils d’un groupe de mécréants qui ne connaissent rien à l’islam. Des assassins, des aigris, des perfides. Y a un conseiller aux affaires islamiques, à la Présidence, non ? Comment n’a t-il rien dit au Président ? De vrais satans, ces gens-là. Imaginez, un peu, un jour sans f’tour. C’est comme un conseil des ministres sans déjeuner. Fastidieux. Monotone. Interminable. Hé ! Le sevrage, c’est à deux ans ! Pas à cinquante ni soixante. Et, nous dit-on, la douleur du manger dure quarante jours. Ministres et imams : même combat. Restauration, sans délai, de l’Iftar Essaïm et du déjeuner du Conseil des ministres. Un pays, islamique de surcroît, où les imams ne rompent pas le jeune ? On est où, là ? Où les ministres ne dégustent pas de bons plats, après avoir discuté des choses de la République ? Ah, l’islam, c’est quelque chose ! L’islam a ses spécificités. Et Iftar Essaïm en est une. Les cellules dormantes de DAECH trouvées à Nouakchott, c’est une des conséquences de la suppression d’Iftar Essaïm. Les menaces d’Ansar Eddine envers la Mauritanie ? Encore une conséquence de la suppression d’Iftar Essaïm. La chaleur, les coupures intempestives d’électricité et autres vagues de soif à travers le pays ? Toujours une conséquence de la suppression d’Iftar Essaïm. On ne touche pas impunément aux esclaves d’Allah Essalihine. Quand les imams se fâchent, ce n’est pas bon. Non, ce n’est pas bon du tout. Du temps où les ministres revenaient bombés de la Présidence, le travail était bien fait. Juste un petit somme et le ministre continue son travail, jusqu’à tard dans la nuit. Maintenant, c’est tout le contraire. Son cœur est à la maison, près de son F’tour ou de son déjeuner pour ceux qui ne jeûnent pas. Qui a entendu parler du dialogue, depuis que le Ramadan a commencé ? Les gens sont occupés à chercher leur F’tour. Y a que le Président et quelques dix à quinze personnes que le F’tour ne préoccupe pas. C’est une affaire réglée. Tous les autres : opposition responsable, irresponsable, FNDU, CUPAD et autres syndicats, personnalités indépendantes, partis politiques, anciens présidents, généraux retraités sont dans le combat du F’tour. Toute la journée. Exactement comme les Gogs et Magogs. Un combat infernal. De véritables Sisyphe. Oignon, pomme de terre, morceau de viande, de charbon… F’tour par défaut. Pas de F’tour par là. A jeuné un an et coupé sur un criquet, là-bas. C’est ça, c’est le quotidien de tous les Mauritaniens, moins deux à trois dizaines. C’est compliqué que ce combat-là. Avec ses extras. Surtout chez les gens de Tawassoul ou les gens de l’UPR. Les dattes d’Algérie, les petits plats garnis des hôtels luxueux de Nouakchott, les diverses boissons à boire sans modération, les invités de tout bord… Avec quel argent, tout ça ? Pendant que beaucoup d’autres trompent leur faim et leur soif, avec de l’eau noire qu’ils sont incapables de colorer. Les centaines de millions, voire de milliards, que ces partis politiques mobilisent, c’est quoi ? Gabegie ou Iftar Essaïm ? Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».