La prémonition. C’est quoi, en fait, cette capacité de percevoir les évènements avant qu’ils n’adviennent ? C’est toute une histoire, la prémonition. C’est même une stratégie. Un gagne-pain. En tout cas, c’est pas facile, tout ça. Savoir que dans quelques jours, il va pleuvoir du plomb… quelque part. Et prendre, en conséquence, les précautions indispensables pour éviter le pire. C’est ça, la prémonition. Les grands charlatans, c’est tout simplement ça. Les grands devins. Ceux-là qui font la pluie et le beau temps des régimes africains. Ou de certains régimes africains. Puisqu’il y en a qui ne croient à rien. Ni à la divination, ni au flair, ni à un quelconque sixième sens. C’est à peine s‘ils en ont cinq, ces gens-là. De véritables gladiateurs. Des viveurs au jour le jour. Seul compter vaut. Tout autre est conjecture et artifice. Les murs du regretté Habib ould Mahfoud, c’était de la prémonition. Bien avant Facebook. Des murs qui parlaient. Des murs qui rendaient compte. Des murs qui écoutaient. Ils avaient bien des oreilles, les murs. Ils étaient des agents de renseignements. Qui percevaient salaires et indemnités. Des murs qui blanchissaient l’argent. Exactement comme la poubelle de la Communauté urbaine. Comme les chars de combat. Les voitures militaires. Les équipements de ces dernières années (depuis Août 2008), comme aime à dire un certain député blanchi. Blanchisseur. Muet comme un mur. Raser le mur. Etre au pied du mur. Ou entre quatre. Exactement comme la Mauritanie. Le mur de la Présidence. Le mur de l’état-major général des forces armées et de sécurité. Le mur de la Direction générale de la Sûreté. Et celui du bureau des Etudes et de la Documentation (BED). Impossible de faire le mur. Pour aller où ? Tomber sur un autre mur ? Des murs tableaux noirs, c’est ça, la mode. Pas le contraire. C’est quand on n’écrit pas sur un mur. Quand on n’a pas un mur, qu’on n’est pas branché. Sans mur, c’est la route. Directement vers vous. Or, il faut bien se protéger. Heureusement que le mur de la Présidence est là ! Si haut, si dissuasif, si têtu. Sinon quoi ? Les anciens employés de Pizzorno auraient franchi la porte présidentielle pour aller partager la rupture du Président. Savourer les belles omelettes réalisées sans casser d’œufs. Ingurgiter les tout aussi belles limonades fraîches, bien disposées sur des tables magiques… entre quatre murs. Les dattes. Les crêpes. Les croquettes. Qui sentent leurs droits bafoués. Qui sentent leur sueur suave. Qui sentent leur argent placé, entre quatre murs, dans une banque de France. Ils n’ont pas de murs, eux, les employés floués de Pizzorno. Ils ont juste de vastes espaces, grandement ouverts où ils dorment, où ils souffrent, où ils attendent. Pas entre quatre murs. En plein air. A la belle étoile. Sur terre. Les murs ont leurs défauts. Ils cachent la réalité. Si les kebbas avaient des murs, ça aurait été la catastrophe : y aurait pas eu de séances populaires de F’tour ! Le cinéma n’aurait pas eu lieu. Les hauts responsables, affichés avec de petits bambins pas particulièrement clean, seraient restés dans leur mur. Entre leurs quatre murs. Présidence. Etat-major général des forces armées. DGSN. BED. Le cinéma. Le théâtre. Les mises en scène. Les larmes de crocodile. Tout cela aurait été invisible, s’il n’y en avait eu qu’un seul, de mur. Il faut aller loin des murs. Aussi loin que possible. Tarhil. Gazra. Quartiers populaires. Surtout pas de murs. Ces assassins. Ces cacheurs. Ces empêcheurs de jouer en rond. S’émouvoir entre quatre murs n’est pas vendable. Ce n’est pas en restant entre quatre murs qu’on plaira au peuple. La preuve. Les visitations. Les initiatives populaires. Les F’tour à tout va. C’est justement pour ne pas s’emmurer. Ou, plutôt, cesser de s’emmurer, le temps d’un ramadan, pour s’exercer à la pitié et à la compassion envers des gens sans mur. Aller au-delà des murs. Donner dans la prémonition. 2019. C’est loin tout ça. Mais il faut y penser, quand même. Entre quatre murs. Chut, les murs ont des oreilles et un espace pour s’élancer dans le prémonitoire. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».