Comment dit-on reprendre les mêmes et recommencer, dans toutes les langues nationales ? Surtout quand ça produit le même effet. C’est selon. En tout cas, chez certains, c’est plusieurs expressions à la fois dont une est particulièrement emblématique. Rien de neuf. Bou’ta (un célèbre nain) était assis et s’est mis debout. Samba est le frère de quelqu’un. D’autres diraient, plutôt, acheter un âne et vendre un âne ou vendre et acheter des oignons. C’est juste une histoire de recyclage. Ailleurs, on recycle les déchets. Ici, on recycle les hommes et les femmes. Transformation totale. D’un bout à l’autre. De sapeur-pompier, on devient enseignant dans une mahadra. D’agent de police, on devient marabout guérisseur. De pilote de ligne, administrateur puis comptable militaire. Le recyclage, c’est pas rien. C’est toute une technique. Recyclage politique. Recyclage social. Recyclage économique. C’est un processus qui a une tête et une queue. Qui peut marcher. Qui peut se tordre. Se retourner contre son auteur. L’avachir. L’aplatir. Le confondre. C’est dur, le recyclage. C’est pas un jeu d’enfant. Il faut une grande dose d’hypocrisie. De complexes. Une rudesse morale, capable de faire face à toutes les épreuves de la dérision et des sous-entendus. Dans le recyclage, le filigrane et l’entre les lignes sont rois. Surtout ici, en Mauritanie où tout est insinuation. Une calebasse, c’est toute une caste. Un chapelet, un fusil, un gourdin. C’est ça, c’est comme ça. A (con) prendre ou à blesser. Recyclage politique des militaires en idéologues. C’est depuis. Tout est passé. Des structures d’éducation des masses, au palais du peuple (voir vestiges à côté de l’école de la police) et quelques fossiles encore vivants et particulièrement bruyants. Application sélective de la Chari’a aux hostilités ouvertes contre les institutions monétaires internationales, puis réajustements structurels et autres choix peu évidents qui ont joué un rôle dans la déconstruction sociale et économique du peu d’Etat qui existait jusque-là. Puis le livre, l’alphabétisation, la répression. Puis le recyclage des renseignements en comité de démocratie et de justice. Puis le recyclage de la sécurité en haut conseil d’Etat. Puis ceci, puis cela. Le recyclage instantané des députés en hommes d’affaires chargés de la propreté de Nouakchott. Puis en peshmergas se bousculant, le soir, aux environs de vingt-trois heures, devant la chambre privée du ministre des Finances et du gouverneur de la BCM. Ministre le jour. Masseur le soir. Général un jour. Commissionnaire en ses heures libres. C’est toujours cette histoire de recyclage. Recyclage social des ceux-ci en ceux-là. Des Beïdanes en Haratines. Des Haratines en Beïdanes. Plus jamais ça. On est les mêmes. Nar Boukhess. Nar Ganar. Nar Beyrouth. Nar Fass, dixit Boïdiel. Ya que les Maures blancs et les Maures noirs. Ils sont interchangeables à souhait. Un maure noir qui s’enrichit passe maure blanc. Un maure blanc qui s’appauvrit passe maure noir. L’exception confirme la règle. Recyclage encore. Recyclage toujours. Bye bye ,Daoud. Bye bye, Birame. Recyclez-vous. Lekwar, Lem’alemine et autres honorables composantes sociales nationales. Recyclez-vous en ministres des Affaires étrangères ou de la Défense. Vous n’avez que l’embarras du choix. Etat-civil recyclé. Terres de la Vallée recyclées. En dollars ou en euros. Le recyclage est dans l’air du temps. Recyclage économique. Nul ne mourra avant d’avoir eu son jour. On ne sait jamais. Recyclage d’un n’importe qui en importe quoi. Richissime homme d’affaires. Influente personnalité nationale. Vendeur de pizzas en administrateur directeur général de puissante institution d’indentification citoyenne ou d’un piètre apprenti musicien en armateur incontournable qui tue et donne la vie, dans le secteur de la pêche. L’espoir est permis. Tant qu’il y a du recyclage, il y a de l’espérance. Peut-être que d’un piètre peshmerga, je deviendrai, un jour, incontournable général de brigade des armées. Peut-être. On ne sait jamais. Recyclage, recyclage. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».