Depuis quelques temps, diverses télévisions ne cessent d’évoquer l’épopée d’El Kevie ould Bousseïf, de son vrai nom Mohamed ould Henoun ould Bousseïf. C’est, sans aucun doute, par ses exploits guerriers et ses œuvres poétiques auxquelles se réfèrent souvent nos poètes contemporains, que l’homme est resté célèbre. Les narrateurs de ces télévisions ont cependant négligé une page d’histoire qui aurait pu susciter un intérêt aussi important chez nos téléspectateurs. C’est, en effet, en 1863, à un jour près d’Agoueïnit au Hodh, que l’émirat des Oulad M’barek fut défait, comme le mentionna le poète-conteur, feu Wené ould Kherchef, omettant de préciser qu’il le fut par un autre émirat, celui des Mechdouf, conduit par l’émir Ahmed Mahmoud ould El Mokhtar ould Mhaïmid.
Sans entrer dans les détails de ce qu’il advint à Agoueïnit et sur le mont Ngadi, on peut simplement dire qu’El Kevie fut bien traité par l’émir Ahmed Mahmoud. Celui-ci lui proposa même une forme de cohabitation mais celui-là la refusa, préférant plutôt se rendre chez ses parents maternels, les Ido’ich. Il avait dû réaliser que l’émirat qu’il dirigeait, avec sa famille, depuis plus d’un demi-siècle, ne serait plus jamais comme avant et qu’une page de leur histoire venait d’être tournée. La journée d’Agoueïnit serait passée normalement, si El Kevie avait accédé à la demande d’Ahmed Mahmoud.
Celui-ci voulait, après maints combats plus ou moins violents avec d’autres tribus, que les Mechdouf puissent se reposer à côté des Oulad M’barek, moyennant cent chamelles et huit chevaux pur-sang. Cette proposition fut rejetée par El Kevie, malgré les conseils de son compagnon Jiddou ould Newari d’Ahel Tiki des Oulad Bouhoumoud, qui assistait à la remise du message par Mohamed Saghir, un chérif de Tenwajiouw, grand-père de l’actuel hakem d’Elmina, monsieur Isselkou. Jidou ould Newari signala, à l’émir, dans un style bien original, que le refus de cette offre risquait d’être préjudiciable à son pouvoir, en lui signifiant qu’il s’agissait de chamelles, donc de lait, et de chevaux de prestige, avec, de surcroît, un chérif comme intermédiaire.
Deux jours plus tard, la roue de l’histoire tournait, à Agoueïnit, entraînant la région dans la suite qu’on connaît. Dans cette affaire, les Oulad M’barek n’avaient pas réalisé que la force de frappe redoutable dont ils disposaient, lorsqu’ils occupaient le Hodh, avait été sérieusement entamée par les guerres intestines, que les agressions, constantes, dont ils étaient l’objet, de la part des autres tribus, surtout des Oulad Nacer, les avaient encore plus affaiblis, au point que les mille huit cent canons qui opérèrent, à Agoueïnit, ne purent faire face aux sept mille des Mechdhouf. Pour le voyage d’El Kevie chez ses parents, Ahmed Mahmoud mit à disposition une escorte renforcée qui l’accompagna jusqu'au Tagant. C’est au moment de son départ que l’illustre poète déclama plusieurs tirades rappelant, non sans larmoiement, tout le bon temps qu’il avait fait au Hodh.
Quant à l’émir Ahmed Mahmoud ould El Mokhtar ould Mhaïmid, notre grand-père, il fut également, je crois qu’on peut le dire, un grand homme, fort d’un exceptionnel parcours. A la tête de son émirat dans le Hodh, au sens large de « Fam Lekhtheiratt », il atteignit Vassala Niéré, au sommet de la gloire. Il mourut le vendredi 18 Juillet 1884, à Etile, au nord de Timbédra, à l’âge de quatre-vingt ans. Sa descendance, qui ne manque point de poètes renommés, a marqué, elle aussi, la période coloniale et celle de l’indépendance où elle s’est adaptée, avec sagesse, à la raison d’Etat. C’est là une autre page de l’histoire, celle d’une autre dimension.
Hamoud ould Ely ould Sid M’hamed ould Mohamed Mahmoud ould Ahmed Mahmoud ould El Mokhtar ould M’haïmid.