L’Association culturelle « Théâtre populaire » a renoué, le 1er Mai, avec la scène, en montant sur les planches au centre culturel de la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN). Forte affluence de gens mordus de théâtre, aux côtés de la ministre de la Culture qui s’est réjouie, durant deux heures d’horloge, à l’humour et au talent des comédiens, dans une chaude ambiance rythmée de m’edh, hip-hop et autres chants populaires. Un spectacle de qualité à la hauteur des espérances de l’assistance.
Les comédiens ont joué une pièce qui jette un regard lucide et critique sur la culture en Mauritanie. Le moins qu’on puisse dire est qu’en quelques gestes et mots, les comédiens sont parvenus à dresser le constat alarmant de l’inexistence d’une réelle politique culturelle dans notre pays. Le département censé s’y consacrer ne tient pas compte des aspirations des comédiens et des autres acteurs du secteur, dans toute leur diversité, qui espèrent se nourrir et vivre décemment de leur métier. Le public n’a pas ancré, dans sa mentalité et ses habitudes, la notion d’assister à un spectacle de théâtre. « Les Mauritaniens », déplore Ahmed ould Mohamed Lemine, président-réalisateur du Théâtre populaire, « n’ont pas encore pris la mesure des concepts de politique culturelle qui doit être ambitieuse, au service de la culture. Notre espoir est de voir un jour le ministère s’imposer en ce sens, avec des prérogatives bien définies ».
L’Association culturelle « Théâtre populaire » est la plus ancienne et la plus dynamique de la scène culturelle mauritanienne plongée dans l’expectative. Des années durant, cette association a bataillé ferme pour tenter de dynamiser le secteur. C’est sur ses maigres fonds propres qu’elle a réussi, depuis 2003, date de sa fondation, à concevoir et « monter » des spectacles originaux, afin d’attirer les Mauritaniens. Mais faute de mécénat culturel, les promoteurs du théâtre restent confrontés à la dure réalité.
Retour à la case départ
De 2004 à 2006, l’association observe une pause. Ses promoteurs délaissent planches et scènes pour s’orienter vers la production télévisuelle où les besoins sont grands. Mais en dépit de la détermination des acteurs et de leur sens élevé du professionnalisme, ils déchanteront vite. Les habitudes ont la peau dure et la censure de la Télévision de Mauritanie (organe d’Etat et pas service public) prend le pas sur une production critique des réalités sociales. La liberté d’expression en subit un rude coup. Les messages des comédiens sur la nécessité d’un changement de comportement et les méfaits de la corruption ambiante sont mal perçus. « Les comédiens étaient animés d’un profond désir de créativité artistique, tenant compte des problèmes des citoyens. Il fallait que nous en exprimions les aspirations, en discuter, même si nous ne sommes pas engagés politiquement », soupire Ahmed ould Mohamed Lemine.
Le Théâtre populaire revient alors à ses premières amours avec l’organisation de spectacles hors de Nouakchott. Une façon de désenclaver la scène culturelle, en permettant, aux mauritaniens de l’intérieur, d’assister à des représentations théâtrales de qualité. Des manifestations rendues possibles grâce au concours du FNUAP. La troupe se produit à Néma, Maghama, Rosso, Barkéol et Kiffa, suscitant l’engouement du public. Joignant l’utile à l’agréable, les comédiens en profitent pour sensibiliser le public sur la santé de la reproduction. Afin de redynamiser la scène culturelle moribonde, l’association s’engage dans des actions régulières : « Nous envisageons d’organiser, chaque fin de mois, une représentation à laquelle nous convierons tout le gotha de la culture, en espérant trouver, tôt ou tard, des échos favorables à ce genre d’activités », conclut le courageux Ahmed.