Abderrahmane Marrakchy, député, président du groupe parlementaire pour la Bonne Gouvernance et membre de l'Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE:

14 May, 2015 - 02:06

‘’Lors de sa conférence de presse, le Président a, sans détours, répondu en toute franchise aux multiples questions Comme à son habitude, il a joué franc jeu’’

Le Calame : Comme bon nombre de mauritaniens, vous avez suivi la prestation du président de la République le 5 mai. Quels enseignements  en avez-vous tirés ?

Abderrahmane Marrakchy: Tout d'abord, je vous remercie pour votre professionnalisme et votre fidélité au Calame qui est l'un des phares de notre presse libre et un symbole même, vu sa résistance pendant la période d'exception qui est maintenant un mauvais souvenir. Par la même occasion, je salue la liberté de presse et d'expression actuellement en Mauritanie et la ferme volonté des pouvoirs publics de garantir cette liberté, condition sine qua non d'une démocratie respectable.  

En ce qui concerne votre question, j'estime, plus en tant qu'observateur que partisan, que le Président de la République a, sans détours, répondu en toute franchise aux multiples questions de vos confrères, dont certaines étaient considérées comme pertinentes, d'autres gênantes. Comme à son habitude, il a joué (comme on dit) franc jeu, même si cela demande parfois d’être direct. Aucune question ce soir- là n'est restée sans réponse claire et suffisante. Le Président a  tout simplement été transparent, je pense que c'est ainsi que les Mauritaniens le voudraient.

 

-Au cours de cette conférence  de presse, le président  de la République a presque rejeté  ce qu’il a qualifié de « préalables » posés par le FNDU pour amorcer le dialogue avec le pouvoir. Ne pensez-vous pas, en dépit de la reprise, ce 9 mai, des préliminaires  entre les 2 parties que ce dialogue est  mal engagé ?

 -Si on part du principe que le dialogue veut dire: discussion entre deux personnes ou deux groupes de personnes, on doit exclure les conditions posées à l'avance (les préalables dans le langage du F N D U), à moins qu'un rapport de forces permet à l'une des parties (en l’occurrence le F N D U) d'imposer ses conditions. Or, à ce que nous sachions, ce n'est pas le cas. Le Président a tout simplement affirmé ce principe, mais en même temps, il a réitéré la volonté du pouvoir à dialoguer franchement et sans tabous avec l'opposition.

Par ailleurs, la réunion du 9 mai, jugée positive par la délégation de l'opposition (FNDU), est encourageante et pourra conduire à l'ouverture effective de ce dialogue. La délégation de la majorité a répondu de la façon la plus correcte et la plus raisonnable à la note déposée précédemment par le FNDU. A ce stade, je préfère attendre la suite, que j'espère positive, pour en parler davantage.

 

-Parmi les « préalables » du FNDU figurent et la « régularisation de la situation du BASEP » et la déclaration du patrimoine du président, des ministres  et de certains hauts responsables du pays. Pensez-vous que les réponses du Rais ont convaincu les mauritaniens ?

-Concernant le BASEP, qui commence à être une fixation chez certains, c'est tout simplement une unité d'élite de notre armée affectée à une tâche, celle de protéger l'institution de la Présidence. Ceux qui la pointent du doigt oublient certainement qu'elle a mené quelques actions salvatrices:

- Mise en échec du putsch désorganisé et par la suite sanglant du 08 juin 2003

- Mise en échec du projet de putsch non moins dangereux de 2004

- Déposition en douceur du régime de Maaouiya le 03 août 2005, avant l'écroulement du pays

- Déposition du Président SIDIOCA après la dérive fatale pour l’existence même du pays, le 06 août 2008

- Interception courageuse et pulvérisation de la voiture des terroristes chargée à bloc de TNT avant d’atteindre sa cible (centre de Nouakchott) en 2011.

Nos hommes politiques seraient mieux inspirés de laisser notre armée et ses unités tranquilles dans la mesure où notre quiétude et notre sécurité sont assurées grâce à l'effort continu de nos braves soldats et à leur encadrement professionnel. Savent-ils combien d'unités et combien d'hommes sont mobilisés en permanence dans des régions inhospitalières pour protéger notre territoire? Savent-ils que leurs équipements sont modernes, donc chers? Je ne le crois pas, car, ils sont toujours fixés sur les 50 millions de dollars de 2007, ce qui n'est que broutilles par rapport à une armée qui s'est dotée d'avions de surveillance et d'attaque au sol, sans compter les équipements terrestres. Soit, ils sont naïfs et ne connaissent rien à l'armée, soit ils sont de mauvaise foi!

Concernant la déclaration du patrimoine, elle fait l'objet d'une loi. Certains en font une interprétation à leur guise dans le seul but de polémiquer. La réponse du Président était claire et convaincante.

 

-Le manifeste des Harratines a organisé, le 29 avril, une grande marche qui a reçu le soutien de presque l'ensemble des acteurs politiques et de la société civile. Expliquez-nous pourquoi les partis de la majorité dont Sursaut n'ont pas marché auprès des Harratines?

-Nous n'avons pas besoin de battre le pavé pour montrer que nous soutenons les causes justes comme celle des Harratines! La majorité que nous sommes est très sensible à tous les problèmes sociaux, particulièrement les couches déshéritées. Beaucoup de programmes du gouvernement sont axés sur la mise à niveau de ces couches socialement en retard, des milliards sont affectés dans le budget à cet effet et l’agence TADAMOUNE  nouvellement créée est venue compléter ces programmes. Ce qui est inacceptable, c'est que la misère des uns soit exploitée par d'autres à des fins politiciennes! Ceux qui ont servi et se sont servis de régimes sans compassion ni pour les Harratines, ni pour les autres composantes nationales sans exception, en faisant la marche, pensent-ils nous tromper? C'est vrai que la marche est bonne pour diminuer la graisse! Je dirai tout simplement à ce sujet que ceux qui essayent d'instrumentaliser les Harratines ou les couper de leur milieu n'y arriveront pas, car la nature est plus forte que les petits calculs de l'homme.

 

Ne pensez-vus pas, que pour répondre et résoudre définitivement cette question des droits humains, le gouvernement doit aller au de-là de la volonté politique et des certaines mesures, faire appliquer rigoureusement l'important arsenal juridique déjà disponible?

-Les droits de l'homme en Mauritanie ont connu une évolution positive exponentielle. Si vous comparez aujourd'hui à 2005, vous trouverez un fossé inimaginable. Celui qui vous parle a été à la conférence de Vienne en 1993 au titre de membre de la ligue mauritanienne des droits de l'homme. Si on en parle aujourd'hui sans tabous, c'est grâce à cette liberté qui est l'un des fondements même des droits de l'homme. Nous venons de créer un groupe parlementaire pour les droits de l'homme et les libertés publiques, ce groupe dont je suis membre et présidé par notre collègue député El Moudir O. Bouna entend jouer pleinement son rôle d'information,  de formation et d'orientation du parlement afin de cerner tous les problèmes relatifs à ce domaine sensible. Nous entendons jouer notre rôle de législateurs et de contrôle du gouvernement, c'est pourquoi, nous avons créé quelques groupes thématiques récemment, celui des droits de l'homme et des libertés publiques est appelé à jouer un rôle important.

Nous sommes pour l'application de la loi dans toute sa rigueur dans ce domaine. Nous sommes aussi pour une campagne tous azimuts pour expliquer aux populations le bien-fondé de ces lois, nous l'avons souvent demandé au gouvernement. Vous savez qu'une nouvelle loi plus coercitive  concernant l'esclavage nous sera soumise prochainement au parlement, nous l'adopterons volontiers, et ce sera l'occasion pour nous de donner au gouvernement notre point de vue sur son application en cas de besoin et sur la nécessité de sensibiliser les populations cibles  afin d'éradiquer les éventuels foyers. Nous devons tous savoir que ce n'est pas l'affaire de tel ou untel, c'est notre affaire à nous tous.

 

Propos recueillis par DL