Un jeune homme déplumé en plein jour :
Il est dix heures, au centre-ville de Nouakchott et la circulation est dense, comme d’habitude. Le quartier des banques grouille de monde. Pour passer, on se bouscule. AOA, vingt-cinq ans, vient de sortir du siège de la banque de l’Habitat où son père l’a envoyé retirer un chèque. Il a encaissé le montant, l’a empoché dans son boubou et est reparti pour le remettre à son propriétaire. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que deux voyous l’attendent.
« Fais doucement, tu m’as marché sur les pieds ! », lui lance l’un d’eux, avant de le saisir au collet. Le jeune homme essaie de se dégager de la prise du bandit. Le complice de ce dernier intervient. Les passants observent la scène avec indifférence. L’un des voyous plonge sa main dans la poche du boubou d’AOA, s’empare en un clin d’œil de la somme et voilà les truands aussitôt à détaler comme des lapins. « Au voleur ! » s’égosille la victime mais personne n’intervient. Les bandits tournent au coin de Chinguetti Bank et disparaissent, tandis que quelques passants commencent à demander ce qui s’est passé. On ne le répètera jamais assez : le quartier des banques est un des territoires privilégiés de chasse, pour dizaines de voyous et de pickpockets qui y circulent, guettant la moindre occasion de vol.
Ali Baba de Teyarett
En général, le métier de charretier est un métier d’enfants en Mauritanie. La plupart des charrettes consacrées au transport de marchandises et à la collecte des ordures sont conduites par de jeunes garçons. L’opinion publique les supputent malhonnêtes et il n’est pas rare de voir l’un ou l’autre d’entre eux accusé de vol.
A Teyarett, Baba, 33 ans, est conducteur de charrette collectrice d’ordures. Son âge inspire confiance à divers chefs de famille qui le placent au-dessus du soupçon et le considèrent en personne sage. Certains lui permettent ainsi d’entrer, en leur absence, dans leur concession pour évacuer les ordures. Baba et son apprenti Guégué accomplissent ainsi leur travail, les jours ouvrables. Mais voici que les familles, revenues à domicile, commencent à remarquer la disparition de diverses choses, sans penser à soupçonner Baba. Puis c’est au tour de domiciles dont les occupants, eux aussi absents la journée, n’ont pas demandé les services de charretiers, sont à leur tour dévalisés. Le commissariat de Teyarett 1 ouvre une enquête et la confie au fameux brigadier Moctar ould M’barek. Les premiers indices conduisent directement à Baba le charretier. Ce dernier nie d’abord tout lien avec les vols mais finit par craquer et cracher le morceau. Il reconnaîtra avoir dévalisé des dizaines de maisons. La police perquisitionne tous ses repaires et met à jour de véritables cavernes d’Ali… Baba. Celui-ci a passé quelques jours en garde à vue au commissariat, avant d’être déféré et écroué. Son complice Guégué a pu prendre la poudre escampette.
« Ely Lahmar » en liberté
Ely ould Mahmoud est né dans les baraquements de Kebbat Lekhnazir, le fameux bidonville des années soixante-dix. Juste l’année de sa naissance, cette gazra fut déplacée, par les autorités, pour devenir la kebba Mendez, ancêtre de l’actuel Neteg, ainsi qu’une partie de Basra et l’ancien Mellah d’El Mina.
Ely abandonna vite l’école pour fréquenter les salles de spectacles et de jeux. Ce qui ne tarda à en faire un délinquant. Dès l’âge de huit ans, il a son propre couteau, braquant les enfants dans les rues et devant les cinémas. A douze ans, il commence à fréquenter les violons des commissariats. Premier séjour carcéral à seize ans. La prison centrale où il côtoie des caïds termine sa formation. Une fois hors du cachot, Ely, désormais affublé des sobriquets d’Ely Lahmar et Ely l’artiste, devient un véritable bandit de grand chemin. Sa femme et complice Fatou s’occupe d’écouler son butin. Ely fut la terreur d’El Mina ou il commit nombre de forfaits entre 2004 et 2009. Mais il était en prison depuis.
Ces jours ci, Ely Lahmar est à nouveau libre, pour on ne sait quelle raison. Cela inquiète ses anciennes victimes et les habitants d’El Mina. Il roule toujours en belle voiture et mène une vie de pacha. Sa femme tient commerce aussi suspect que florissant. Mais, circulez, il n’y a peut-être rien à voir…
Mosy