Ecrire aux Mauritaniens

14 May, 2015 - 01:58

Il me semble que je m’y consacre entièrement, guettant toute occasion de le faire, luttant contre l’indifférence, provoquant les sceptiques « à quoi bon ? », la conviction d’hommes sincères, efficaces qui osent écrire et dire : « effort de chacun, démocratie vivante. » Seule, en effet, la volonté des Mauritaniens permettra qu’il y ait ou non une communauté nationale. En démocratie réelle, tous les citoyens participent, effectivement, aux affaires publiques. Le pouvoir émane de la volonté de tous. Je respecte  trop le peuple pour accepter qu’il soit privé de sa liberté d’expression et de sa participation aux affaires de l’Etat. A chacun sa conscience, à chacun sa conception du Bien et du Mal. J’ai souvent tenté de leur rendre espoir, en évoquant les vers si actuels de Victor Hugo : « Nous avons tous deux au front une couronne… Vous  des fleurs de lys d’or et moi de cheveux blancs. Roi, quand un sacrilège ose insulter la vôtre, c’est vous qui la vengez, C’est Dieu qui vengera l’autre ». (Le roi s’amuse). Je voudrais que mes compatriotes en portent témoignage. Je ne suis ni fanatique, ni rétrograde, ni intégriste. Je suis pour l’islam : ouvert à la science, à la technique moderne ; ouvert sur le monde extérieur, les autres civilisations et les autres croyances. L’islam dont les premières vertus sont la générosité du cœur et la tolérance. « Les créatures humaines sont la famille de Dieu et celle d’entre elles qui est la plus chère au Seigneur est celle qui est la plus utile à la famille. » Cet humanisme exprimé par notre Prophète (PBL) a valeur universelle. Le savant Pasteur, par exemple, ne l’a pas oublié quand il s’est écrié : « Je ne te demande pas quelle est ta race, ta nationalité ou ta religion mais quelle est ta souffrance. » C’est dire que nous pouvons adopter la voie du progrès, sans renier notre origine et nos sages traditions, sans abandonner notre style de vie. C’est dans notre passé que nous devons puiser notre force et notre raison d’être. Toujours là pour montrer que démocratie ne peut vivre que par l’effort du citoyen et qu’elle ne sera qu’une molle tyrannie, promise à la catastrophe, si elle se méfie de lui ou manque à sa seul vérité : éveiller le sens de la responsabilité au cœur de chaque homme et l’aider à épanouir la vie collective, de son imagination et de son active présence. Toujours là pour dénoncer les dangers des choix politiques préfabriqués, qu’on impose par le slogan, l’idéologie, la peur ou la haine, à des individus perdus dans la société de l’uniformité, du gaspillage et de l’indécision. Si les Mauritaniens comprennent que leur démocratie est à faire, que la réussite n’en est pas difficile, ils seront, alors, assez grands pour aller, d’eux-mêmes, sur les canaux multiples de leur diversité et tailler une vie collective, locale et nationale, à leur convenance. Pour moi, la seule récompense d’avoir fait comprendre que le morne aujourd’hui n’est pas une fatalité sera une immense récompense. Ecrire aux Mauritaniens : mais il me semble que je m’y suis consacré entièrement. Il paraît, en revanche, qu’écrire comme je le fais dérange. « Soyons l’idée qui dérange ! » Toujours là pour refuser le stéréotype traditionnel et les analyses paralysantes des fatalistes. Toujours là mais ailleurs que dans le morne échange de médiocrités qui fait, aujourd’hui, notre vie publique et dont je n’avais cessé d’écrire, aux Mauritaniens, qu’il ne pouvait tenir lieu de perspective nationale ni leur donner la moindre sécurité ! Pour moi, la seule récompense d’avoir fait comprendre que le morne aujourd’hui n’est pas une fatalité sera une immense récompense. Le citoyen, hier mouton, exploité par ses bergers, demain adulte, n’aura pas besoin de mentors. Il peut être son propre maître à penser, dans la vie démocratique. Aujourd’hui, je mesure cette témérité et cet effort qui furent miens. Ces phrases écrites aussi au travers  de tant d’articles, dispersés parmi tant de lecteurs, ceux qui me soutiennent. Leur choix est, sans doute, plus judicieux que le mien ne l’aurait été. Nous acceptons d’entendre qu’il suffit de gérer l’imprévisible, comme si nous avions perdu la vertu de volonté qui seule rend la certitude à un peuple. Nous acceptons d’écouter des langages soigneusement codés pour que l’inquiétude ne s’éveille pas. Pourquoi les programmes mirobolants qu’on nous propose ne s’accompliraient-ils pas, eux aussi ? Et nous voilà captifs de notre propre aveuglement, dociles à ne pas vouloir, rassurés d’entendre les phrases habituelles, gonflées, redondantes ; creuses, hélas ! Avec le ton acharné et plein, qui font, ensemble, tout le discours politique que nous supportons, alors que nous le savons médiocre et qu’il nous fait médiocres. Si nous nous comportons en hommes libres et responsables, si nous rejetons les élémentaires complicités de la vie politique, si nous proposons et exigeons la simplification de la machinerie d’administration, si nous acceptons de témoigner de notre volonté d’animer la vie collective hors des routines et des mécanismes habituels, mieux gardés qu’une chasse, si nous nous efforçons d’éveiller et de rapprocher des réflexions et des dévouements sur des réalités comme l’impôt, l’épargne, la sécurité sociale, l’eau, l’urbanisme, l’énergie, le gaspillage, les enfants et la ville. Cette attitude, cet engagement, neufs, inattendus dans un monde de conventions, surveillé et verrouillé, auront un écho qu’on imagine à peine. Toujours là, mais ailleurs que dans le morne échange de médiocrités qui fait, aujourd’hui, notre vie publique et dont nous n’avons cessé de dire, aux Mauritaniens, qu’il ne pouvait tenir lieu de perspective nationale ni leur donner la moindre sécurité ! Le Verbe, c’est l’étincelle d’où jaillissent la lumière et la Vérité. La parole porte, en elle, des forces insondables. Sans liberté de parole, un peuple ne vit pas. Je crois, personnellement, que le droit de critiquer et de dénoncer l’injustice est un droit imprescriptible et immuable. Certes, au crépuscule de la vie, nos forces diminuent et nous ne pouvons plus agir comme au temps de la jeunesse. Mais nous pouvons toujours témoigner. L’islam le  recommande : « Ne cachez pas votre témoignage. Quiconque le fait se rend coupable à l’égard de Dieu ». (Saint Coran, Sourate 2, « La vache », verset 283).

 

 

Ahmed Bezeïd ould Beyrouck

E-mail: [email protected]

Je ne suis ni de l’opposition,

ni de la majorité présidentielle.

Je suis ailleurs.

A bon entendeur, salut !