Le Manifeste des Harratines a organisé, le 29 Avril, une marche qualifiée de « très réussie ». La mobilisation a été forte. Les acteurs politiques et de la société civile de presque tous les bords ont répondu à l’appel. On se croyait presque à cette grandiose mobilisation qui a réuni, le dimanche 11 Janvier dernier, dans la capitale française, près de quatre millions de personnes, en hommage aux 17 victimes de l’attaque contre l’hebdomadaire satirique, Charlie Hebdo, et d’un supermarché kacher.
Dans la capitale mauritanienne, des milliers de Mauritaniens, toutes origines et couches sociales confondues, se sont donné la main pour réclamer, avec force, plus de droits politiques, économiques et sociaux pour les Harratines. Mais cet appel ne concernait pas que cette couche considérée parmi les plus démunies du pays. Une couche qui souffre des conséquences de l’esclavage et, surtout, du refus d’appliquer les nombreux textes tendant à éradiquer cette pratique abjecte. Une condition de servilité pratique qui touche une grande partie des Mauritaniens. Une autre composante de la population ne cesse de dénoncer, depuis les années 86/91, les déportations, le massacre de militaires négro-mauritaniens, la confiscation de ses terres, son exclusion des forces armées et de sécurité… La fracture et désormais patente, entre une Mauritanie qui s’enrichit de jour en jour, suçant l’essentiel des ressources du pays, grâce à la complicité, pour ne pas dire sous la conduite, du système qui le gouverne, et une partie qui s’enfonce dans la misère, victime de la marginalisation à tous les niveaux. Un tour dans les quartiers de Nouakchott et à l’intérieur du pays suffit à vous édifier. Une école à deux vitesses est passée par là et le danger persiste. A Nouakchott, les signes gravissimes de la pauvreté se lisent dans nos rues : mendicité, cortèges de femmes à la recherche de travail, centaines de jeunes à tuer le désœuvrement rassemblés à Noughta Sakhina, d’autres sur l’avenue Kennedy, devant les magasins de matériels et matériaux de construction, à l’affût d’une belle voiture en quête d’un ouvrier. Des ouvriers taillables et corvéables à merci. Un cocktail explosif auquel le pouvoir n’accorde aucune attention. Ni n’avance la moindre solution.
La Marche de mercredi dernier aura donc été un message fort à l’endroit de ceux qui ont enfanté et perpétuent un système d’exclusion et d’exploitation, érigeant en règle l’impunité sur les crimes de sang. Des maux qui ont enfanté le réflexe communautariste qu’on voit se développer depuis quelque temps. Mais cette marche aura été également celle de l’unité nationale, pour une Mauritanie de justice, de démocratie et de paix sociale. Une Mauritanie fraternelle et réconciliée !
Le président de la République qui doit s’adresser, aux Mauritaniens, pour la seconde fois en moins de deux mois – une sorte d’oral de rattrapage, après les dérapages nerveux de la première – est très attendu sur cette question. Une simple volonté politique, proclamée au Parlement, à travers les media ou les forums internationaux, ne suffira pas : les Mauritaniens exigent des actes forts ; en somme, une application des textes, une justice indépendante. Ils attendent, du président de la République, un signal puissant, un discours de rupture, pas une politique de fuite en avant. Il est beau d’adopter des textes visant à éradiquer l’injustice et l’exclusion mais il l’est bien davantage de les appliquer. C’est le seul moyen de combattre l’injustice qui gangrène, à tous les niveaux, la Mauritanie, de maintenir sa cohésion sociale. Espérons que le Président prendra toute la mesure de cette attente et décidera de secouer le mammouth.
DL