Nouvelles d’ailleurs : Journalisme et météo...

7 May, 2015 - 02:29

Vous avez remarqué ? A chaque fois que nous ouvrons une ère glaciaire – sûrement pour battre en brèche l'idée, saugrenue et généralement partagée, que nous allons vers un réchauffement mondial – à l'origine, il y a un journaliste. Comme si journalisme et météo allaient de pair, pour ne pas dire Bolitik et météo... Chaque fois qu'un journaliste écrit un truc pas très orthodoxe, pfiout, emballez c'est pesé, on chute dans les températures, passant de l'ambiance caniculaire et exotique du Sahara, aux joyeusetés de la Toundra ! Quand nous avons cryogénisé nos relations avec notre voisin du Nord, le correspondant de la MAP fut mis dans un avion et « invité » à rejoindre le royaume de ses ancêtres.

Nous venons de congeler l'axe Nouakchott-plage/Alger-La-Blanche et devinez quoi ? Un journaliste est placé sous contrôle judiciaire, accusé d'avoir écrit un papier qui indexerait le royaume chérifien...

Une bonne surgélation se devant d'être accomplie dans les formes, nous avons expulsé un diplomate algérien, au motif qu'il s'ingérait dans les affaires intérieures du pays, en allant murmurer, audit journaliste, des « infos » peu aimables à l’endroit des Marocains. Alger s'est donc empressée d'expulser notre conseiller militaire. Et, depuis, c'est « je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui criera aura une tapette ! ».

Notre Sultan en a rajouté une couche, en recevant quelques représentants choisis et triés, leur expliquant, à ces garnements, qu'il fallait éviter de tomber dans la manipulation et, surtout, que recevoir de l'argent, pour écrire un « papier », était tout, sauf bien et qu'il avait la liste des journalistes « payés ». OK, notre Raïs n'a pas inventé l'eau chaude en disant ceci : tout le monde sait qu'une certaine frange de nos journalistes écrit sur commande, recevant, en échange, quelques monnaies sonnantes et trébuchantes. Rien de nouveau sous nos soleils démocratiques... Dire ceci, c’est comme enfoncer une porte ouverte, en oubliant qui a ouvert la porte et qui s'est bien arrangé de cette ouverture.

C'est la mode, chez nos politiques, de crier à notre mauvaise presse (Houla ! Mauvais jeu de mots mais, excusez-moi, je n'ai rien d'autre sous la main)... sauf qu'ils oublient qu'ils sont les premiers fautifs, eux qui ont toujours envisagé la presse comme caisse de résonance, alimentant des caisses obscures en perdiem divers, en gratifications menues et variées... Car, en notre République dattière, c'est ainsi qu'on considère la presse : vaste officine où lobbies, tendances, partis, renseignements tirent les ficelles, inondent les journalistes d'infos à la sauce « selon une source bien informée », faisant, du monde des media, un supermarché de la manipulation. Et, comme le salaire d'un journaliste ne lui permet pas de vivre décemment, il est tentant de fermer les yeux sur la déontologie...

Tous les journalistes ne mangent pas de ce pain-là, mais ils sont nombreux, ceux qui ont oublié le métier. On les a même affublés d'un nom : ce sont les fameux peshmergas. On appelle ça « la Communication », chez les experts de la manipulation de journalistes. Nous vivons dans une société si pourrie, si peu stable, si peu porteuse d'un véritable projet de développement sociétal, que tout le monde ne voit le monde qu'en terme de bénéfices personnels. Les journalistes sont à l'image de notre société. Ni plus, ni moins. Et ils sont à l'image de nos politiques. Ni plus, ni moins.

Leur demander de la cohérence, de l'éthique, de la rigueur dans un pays de tieb tieb ; de l'honnêteté, au royaume du mensonge ; de la déontologie, c'est comme demander, à un cul de jatte, de danser la Macarena : pathétique...

Dans un pays « normal », si tant est que la normalité ne soit qu'une norme unique, notre journaliste cornaqué par le diplomate algérien aurait écrit son papier, sans que cela provoque une crise diplomatique grave. A nos autorités de dire leur vérité. Pas seulement aux journalistes. Je veux bien qu'on tente de nous faire croire qu'une glaciation diplomatique ait pour origine un papier quelque peu manipulé, mais ne m'en demandez pas plus. Je ne sais pas si le papier en question dit vrai ou pas. Ce que je sais c'est que dire que le Maroc – dont, par ailleurs, on a boudé les délices, depuis 2008, même si nos relations se réchauffent, doucettement, depuis Juillet 2014 – inonderait notre pays de drogue ne devrait pas provoquer une telle tension diplomatique. L'AMI nous pond, tous les jours, des choses pires que cela dans le style laudateur et orienté, belle caisse de résonance du pouvoir, cela ne signifie pas qu'on trucide l'AMI.

En tous cas, je reste sur ma faim et la seule chose qui me turlupine est la question suivante : quelle est la lisibilité de notre diplomatie ? Quelle diplomatie avons-nous, menons-nous ? Quels signaux contradictoires nous sont-ils envoyés ? Et, surtout, que cache cette affaire de journaliste et de météo diplomatique ? Salut

 

Mariem mint Derwich