Le Président se bat, depuis quelques mois, à réunir deux fronts : tractations pour un dialogue politique inclusif avec son opposition dite « radicale », rassemblée au sein du FNDU, et comment décrocher, sans casse, un troisième mandat à la tête de la Mauritanie, un véritable casse-tête dans la mesure où la Constitution qu’il a promulguée, en 2012, le lui interdit, en son article 26. La bataille semble perdue d’avance, le FNDU, dans son ensemble, excluant toute réforme de la Constitution avant même d’engager le moindre dialogue. Reste l’éventualité d’un amendement constitutionnel, par le biais d’un referendum ou d’un congrès des deux chambres, une possibilité exploitable par les proches du pouvoir, au profit de l’actuel locataire du palais gris.
Ne pas se faire, une seconde fois – une troisième même, pour certains – rouler dans la farine : le Forum exige donc, dans sa plate-forme, un engagement clair et ferme du président de la République à ne pas toucher la Constitution. C’est carrément un « préalable » au dialogue. Un refus catégorique qui risque fort couler le tout, en ce qu’une fois ce point zappé, le président Aziz ou son entourage ne verrait aucun profit à tirer d’une quelconque discussion.
Du coup, les visites, à pas de charge, du président de la République à l’intérieur du pays semblent cacher, pour l’opposition mais, aussi, nombre d’observateurs, des « intentions inavouées ». La suspicion d’un « ballon d’essai », visant à « sonder » l’opinion de la Mauritanie profonde, selon le mot d’un responsable du FNDU, est d’autant plus éveillée que des banderoles et des vociférations en sens n’ont pas manqué d’émailler la mobilisation des citoyens, partout où le Raïs est passé. Une mobilisation fort soignée, au demeurant, même si des slogans et propos hostiles ont marqué les passages au Tiris et en Assaba. Un bilan assez positif, au final, pour qu’à défaut d’obtenir des concessions de l’opposition, le président Aziz puisse « recourir au peuple pour trancher » ?
C’est dire que le FNDU est en droit de redouter que cette mobilisation « suscitée » des populations ne donne des ailes au Président et pousse ses inconditionnels à le « persuader » de tenter le coup de Pierre Nkurunziza, le président burundais qui s’est vu investir, samedi dernier, à la candidature pour un troisième mandat jugé « illégal », par son opposition sortie dans la rue pour protester. Trois personnes y ont déjà perdu la vie. Et les manifestations continuent.
Le président Aziz choisira-t-il cette voie ou emboîtera-t-il le pas à Yayi Boni, le président béninois en fin de mandat ? Celui-ci a assuré, après avoir rempli son devoir civique, « aujourd’hui, je ne suis pas candidat et je ne serai candidat à rien. A l’avenir, mon nom ne figurera plus sur aucun bulletin de vote…». Une décision volontaire, simplement respectueuse de la Constitution de son pays, ou prise sous la pression de l’opposition et de la Communauté internationale ? En tout cas, son prédécesseur, Nicéphore Soglo, n’a pas manqué de douter de sa sincérité, exigeant « des actes et non des mots ».
Cela dit et à la différence de ses deux homologues burundais et béninois qui ne disposent de plus guère de temps, Mohamed Ould Abdel Aziz a encore quelque quatre années devant lui. De quoi permettre, à l’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité qui le soutient, d’oser franchir le Rubicon ? Le cas échéant, verrait-on fronde au Parlement ? Qui vivra verra…
DL