Les années se suivent et se ressemblent, pour le secteur de l’Education nationale en Mauritanie. Depuis la dernière réforme d’Avril 1999, tous les Mauritaniens, toutes tendances confondues, sont unanimes à dire que rien ne va. Le fameux Plan décennal, avec son Programme National du Développement du Secteur Educatif (PNDSE), ses stratégies et ses pompeuses directions (éducation, formation, projet et autres) n’ont, finalement, servi qu’à engloutir, dans la plus grande impunité, des milliards d’ouguiyas. Seize ans plus tard, le secteur marque encore le pas, avec les mêmes problèmes structurels qui avaient motivé la réforme de 1999. La Commission nationale de l’Education nationale, les journées de concertations, pompeusement appelées « Etats Généraux de l’Education et de la Formation » et leurs recommandations n’ont pas servi à grand-chose : juste des honoraires fantaisistes, à certains ; une grosse maison substantiellement louée, pour plaire à quelqu’un ou quelqu’une ; et des réunions inutiles, pour justifier les liquidations d’un important budget alloué à ce qui n’aura été, finalement, qu’une vaste imposture : celle d’enrichir un microcosme de fonctionnaires, composé de proches du pouvoir ou de retraités dont la plupart sont pour beaucoup, dans la grave léthargie du système éducatif national. La déclaration de 2015 en Année de l’Enseignement est un aveu, on ne peut plus éloquent, de la totale faillite du système pédagogique national, en tous ses ordres : primaire, secondaire, technique et supérieur. Alors que, paradoxalement, le budget de l’Education nationale a toujours été parmi les plus importants des ministères. Ses prestations sont loin d’être proportionnelles à l’argent qui lui est annuellement alloué. Le passage de Nebgouha mint Mohamed Vall ouvrit une brève éclaircie. Mais, depuis le coup d’Etat du 6 Août 2008, le département a renoué avec ses vieilles habitudes parrainées par d’aussi vieux lobbies qui maîtrisent tous les rouages de la malversation, dans un océan de gabegie, sur fond de clientélisme, corruption, copinage et népotisme ambiants. Entre 2008 et 2015, au moins trois, sinon quatre ministres ont été propulsés à la tête de l’Education nationale. Foncièrement, rien n’a changé. Le système a même poursuivi sa descente aux enfers. Ses problèmes de fond, qu’il est inutile de ressasser, sont restés en l’état. Les nouvelles autorités ont promis de restructurer le tout. Mais, à ce jour, ces promesses sont restées au niveau des déclarations d’intention. Des projets aussi primaires celui des tables-bancs ont fini en queue-de-poisson, sans que personne ne sache pourquoi ! Les infrastructures scolaires et le matériel didactique laissent encore à désirer, dans beaucoup d’établissements, en ville comme en brousse. L’école de 2015 n’est en rien différente de celle de 1999, une année déclarée particulièrement catastrophique, sur le plan du fond (formation des enseignants), de la forme (infrastructures) et du contenu (curricula et programmes). La réforme, le plan décennal et toutes ces petites histoires étaient, théoriquement, destinés à faire face à cela. Et voilà que, sur un coup de génie, 2015 est déclarée Année de l’enseignement. Au cours de ses dernières visites dans les deux Hodhs, en Assaba et au Gorgol, le Président a pris sur lui de visiter des établissements scolaires. Mais, pour une raison que les gens d’Aïoun ne comprennent pas encore, Ould Abdel Aziz n’a visité aucune école fondamentale ni le moindre établissement secondaire de leur ville. A part ces impromptues visites, rien de concret n’a encore été fait, pour cette Année de l’enseignement. Les directions régionales et les inspections départementales sont toujours dans le même délabrement. Seules quelques-unes, très rares, disposent, par exemple, d’une voiture dont use et abuse le premier responsable, à des fins qui n’ont, souvent, rien à voir avec l’éducation. Les quelques distributions de livres et de matériel de bureau, à certaines structures éducatives de Nouakchott, ne suffisent pas à combler les nombreux déficits de tous ordres. Les mauvaises pratiques continuent à l’Education nationale, malgré la fameuse Année. Les promotions de complaisance, sur la base du régionalisme, de l’interventionnisme, la corruption, le copinage et autres petites combines continuent à prévaloir, au grand jour, via des réseaux fermement incrustés, depuis des décennies. Les directions centrales, notamment celle des ressources humaines, continue à vider les établissements du fondamental et du secondaire de leurs instituteurs et professeurs, au profit des autres directions du ministère qui ne servent qu’à « cacher » ceux-là et leur permettre d’aller vaquer à d’autres occupations, tout en continuant à percevoir indûment salaires et compléments. Cette année 2015 est marquée par un laisser-aller déconcertant. Jamais année scolaire n’a connu autant de recrutements de contractuels (instituteurs et professeurs), au point qu’en certains établissements, leur nombre dépasse, parfois, celui des fonctionnaires titulaires. Une manière, pour le ministère, de dilapider les fonds et, pour les directeurs régionaux, de recruter proches et connaissances. Une notable partie de ces contractuels, seraient, selon des sources proches du ministère, fictifs. En cette année 2015, l’éducation religieuse ne serait pas prévue au baccalauréat, comme l’atteste le hiatus entre les annonces de son calendrier – quatre jours d’examen (15, 16, 17 et 18 Juin) – et la convocation donnée aux élèves (seulement trois jours). En Mauritanie, l’année scolaire commence en Octobre et finit en Juin. Mais la fameuse Année de l’enseignement a commencé en Décembre et risque de ne pas finir. Concrètement, elle n’a encore été que manœuvres, démagogie et contradictions. Toutes choses loin de relancer un système éducatif au bout d’un cancer malin en stade terminal.
Ben Abdallah