Depuis le coup d’Etat du 6 Août 2008, les Mauritaniens de toutes les tendances ne parlent plus que de dialogue. Pour, dit-on, sortir le pays de la crise où les généraux et leur peloton de parlementaires l’ont plongé, en torpillant un processus démocratique qui venait juste de se mettre sur les rails. Juste un intermède de quinze mois et revoilà les militaires revenus à un pouvoir qu’ils avaient squatté depuis un certain 10 Juillet 1978. On ne lâche pas facilement les honneurs, l’argent et le pouvoir qui aurait, selon des propos attribués à feu Moktar ould Daddah, « une certaine petite saveur ». Depuis, on ne parle plus que de dialogue. Il est partout, dans tout, au centre de tout. Dialogue de Dakar, entre les défenseurs de la démocratie et les putschistes. Puis dialogue entre une partie de l’opposition et le pouvoir. Mais ces deux dialogues ont si peu permis de décrisper la crise que des partis politiques relativement importants ont boycotté et les élections législatives et municipales de 2013, et l’élections présidentielle qui les a suivies, en 2014. D’où une confusion totale sur la scène politique nationale. Plusieurs oppositions. Plusieurs majorités. Un seul pouvoir. Chaque partie jetant les anathèmes sur l’autre et lui faisant porter la responsabilité de vouloir mener le pays à la dérive. Par l’improvisation, la mauvaise gestion et l’amateurisme, déclarent les opposants. Par le déni des grandes réalisations, le mensonge au peuple et l’incivisme, leur répondent le pouvoir et ses thuriféraires. C’est dans ce contexte que le président Mohamed ould Abdel Aziz manifeste sa disponibilité à engager un nouveau dialogue, avec l’opposition dans ses deux versions : Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) qui regroupe une dizaine de partis (RFD, Tawassoul et UFP entre autres) et Convergence pour une Alternance Démocratique (CAP) composée de trois partis (APP, El Wiam et Sawab). Aussitôt, les manœuvres reprennent. Du côté du pouvoir comme du côté de l’opposition. Des réunions à n’en plus finir. Rencontres formelles et informelles. Des bas et des hauts. Quelques écueils, sur fond d’incompréhensions. Puis, enfin, le pas ultime de la rencontre, au Palais des congrès, le samedi 18 Avril 2015, des deux délégations du FNDU et du pouvoir. Une plateforme, déclinée en plusieurs phases, est remise à « l’appréciation » du pouvoir via sa délégation. Dans ce document, le président Mohamed ould Abdel devra accepter dix engagements de nature à préparer le terrain aux pourparlers. Ce n’est pas impossible qu’il les accepte. Mais ce qui semble moins probable et qui pourrait constituer un véritable handicap est surtout lié à trois choses : d’abord à la demande du FNDU d’être éclairé sur certains dossiers, comme le marché de l’aéroport de Nouakchott, le montage des avions à Nouakchott, l’attribution de diverses parties du Domaine public, comme les abords du Stade olympique ou de l’Ecole de police, entre autres, et la scabreuse affaire du responsable libyen Senoussi. Ensuite, à la normalisation de la situation du BAtaillon de SEcurité Présidentielle (le fameux BASEP) dont Mohamed ould Abdel Aziz fut longtemps le patron et qui lui servit à perpétrer, sans aucun risque et péril, ses deux coups d’Etat de 2005 et 2008. Le FNDU propose son reversement dans l’Armée nationale. Enfin, au maintien des forces armées et de sécurité en dehors du jeu politique, définitivement consacrées à seule mission régalienne. Or l’éclairage, sur les affaires précitées, peut mener loin. « Le BASEP, c’est nous ! », paraphraserait-on Maouiya ould Sid Ahmed Taya. Les forces armées et de sécurité, secret d’Etat ! Comme on dit : « Ton argument est très beau, s’il échappe à celui de ton adversaire ». L’opposition a parlé. Reste la majorité ou, plus exactement, le pouvoir. Impossible dialogue ? Attendons de voir.
Sneïba El Kory