Surexploitation des carrières de l’Inchiri : L’anarchie à ciel ouvert

2 April, 2015 - 03:02

Les populations de plusieurs zones de la wilaya de l’Inchiri souffrent en silence, depuis des années. Un groupe de quarante-neuf compagnies, dont trois institutions publiques, pillent, quotidiennement, divers sites d’extraction de matériaux (gravier, gypse, argile…) sur cent soixante-dix kilomètres, parallèlement à l’axe Nouakchott-Akjoujt. Certaines selon des méthodes archaïques, par groupes d’ouvriers chargeant, à la pelle, des camions bennes ; d’autres avec des moyens plus sophistiqués, comme les pelles mécaniques qui permettent d’embarquer des dizaines de tonnes par jour. Dans un va-et-vient continu, les camions-bennes emportent leurs cargaisons vers les chantiers de Nouakchott et autres villes du pays, provoquant, parfois, de graves accidents de circulation.

 

Délivrance à tire-larigot des permis d’exploitation

Les pouvoir publics délivreraient, entend-on dire, les permis d’exploitation sans la moindre garantie ni engagement de veiller aux normes de protection de l’environnement, de la santé et la sécurité des populations qui vivent dans ces zones. Chaque société a choisi une zone qu’elle considère comme sa chasse gardée. La compagnie ARIMEX exploite celle de Lereïguib, pour le granit, sous le permis 1298. Autour de la célèbre colline de Tamagout, la MTS a obtenu deux permis, sous les numéros 2130 et 2073, sans en avoir achevé le processus. Un troisième permis y a été délivré à CM SARL, sous le numéro 2149. A Tisram, travaille, d’arrache-pied, la compagnie DELTA EMAAR avec le permis 2137 ; tout comme la SCC, avec le permis 1028. La SWIMEX occupe une autre partie de l’oued, sous les 1327, 1382 et 957. La SNIMEX SARL occupe, quant à elle, la zone de Lemraïvig, grâce au permis 1928, tandis que l’EPCG n’y a pas pu achever le processus de ses deux permis, 941 et 942. La MER SARL s’occupe d’Aarerat Zapugua, avec le numéro 2020. La MLM et la SECO TP n’ont, elles non plus, pas achevé le processus qu’elles avaient débuté, à El Asma et Lemraïvig, encore, avec les numéros 2127, 2010 et 2011. A Graret ould Bilal, c’est la MTC qui fait la pluie et le beau temps, grâce au permis 2150. Abderrahmane exploite Legrara Ezzarga grâce au permis 1454.

La zone de Lemseïha, où reposent les saints hommes Bilal El Weli et Ahmed Youra, est exploité par la MAFCI, sous le numéro 1326. On craint pour son très célèbre cimetière.Une seconde partie est exploitée par la SCOTRIE, sous le numéro 1253. Un troisième bloc est aux mains de l’IMCM sous le 913’8. Benichab est exploité par WAFA MINING sous le permis 1533. Une autre partie de Benichab est exploitée par la MTC SA sous les permis 1535, 1536 et1437. A Sebkhet Nich, c’est la MCE SA qui utilise les permis 1602 et 163. Elle détient également les permis 876 et 1076 des zones PK 64 et 110 de la route Nouakchott-Akjoujt. Sellami Mekki exploite, lui, la zone de Lesteradh, sous le permis 1725. El Mesreb est sous la houlette de BATIR TP, sous le 1301. Les Etablissements Abibine occupent Tijirit Majour, sous le 975. La BCG s’active à El Vetha, sous le permis 1098. A Lemzaïrif, c’est la KHAIRA SAR qui travaille sous le 986. Sous le 930, la MACOBA occupe Khat Touerja. A Tekefel et Sedra, ce sont CONFORME et  TAX AFRICA. Une seule membre du sexe réputé faible est entrepreneuse dans ce secteur. Il s’agit de Fatou mint Bouh qui exploite la zone Mestrad sous le permis 929’8. La DELTA EMAR ratisse, quant à elle, la zone de Bourjeïmat, sous le permis 2012’8. El Khaïma SA travaille dans la carrière de Touerja, sous le permis 900’8. La compagnie TCR s’occupe de Tamagout sud-ouest, grâce au permis 1545‘8.Enfin, les trois institutions de l’Etat : Génie militaire, ATTM et ENER  exploitent des carrières partout dans ces zones, sans aucun permis, selon le document de la mission de contrôle des carrières industrielles et artisanales, dépêchée par le ministère de l’Environnement et du développement durable.

 

Conséquences néfastes du pillage

Dans plusieurs zones d’extraction, d’énormes cratères ont été creusés, soit à la main, par les ouvriers, soit par les pelles mécaniques utilisées par certaines compagnies. Ces trous géants constituent un danger pour les personnes, les animaux et les véhicules, surtout la nuit, notamment en saison de pluie, où invisibles et inondés, ils constituent un risque majeur. Des dizaines d’arbres, parmi le rare couvert végétal de la zone, ont été abattus ; des oueds entiers ravagés au bulldozer et leur lit bloqué, par des montagnes de pierres et cailloux amassés et abandonnés. Les ornières creusées par les camions-bennes, qui s’enlisent de plus en plus souvent, ne permettent plus aux voitures de tourisme de s’aventurer dans ces zones. Les populations commencent à souffrir de maladies causées par la poussière et la fumée des nombreux engins, selon plusieurs habitants que nous avons rencontrés : « Des chèvres sont mortes », ajoutent-ils, « après avoir brouté à proximité de ces carrières ». Apparemment, les ouvriers ne respectent même plus la mémoire des défunts. Des cimetières ont été profanés, en plusieurs zones de l’Inchiri, selon Ould Gaya qui intervenait dans une table-ronde tenue, à ce sujet, à Akjoujt.

 

Ras-le-bol des habitants

Présidé par monsieur Sid’ahmed ould Moloud, un collectif des habitants et détenteurs des terres où interviennent les compagnies d’extraction se démène, depuis déjà un certain temps, pour mettre terme à ce « pillage », selon leur expression. Lueur d’espoir, un instant, avec la déclaration du ministre de l’Environnement et du développement durable, en Décembre 2014, à la suite d’un conseil des ministres. Mais, depuis, rien n’a changé et l’extraction continue, sans ménagement, et les populations continuent à souffrir au jour le jour. « Nous attirons l’attention des autorités », s’exclame un cadre ressortissant de l’Inchiri, « le pillage de ces carrières, comme celui des autres minerais, ne pourra perdurer indéfiniment, sans contrepartie pour les autochtones ! »

Mosy