Depuis quelques temps, le nomadisme recule progressivement. Jadis, le bédouin se déplaçait lorsque son milieu devient répulsif (sans eau ni pâturage), pour trouver une contrée plus attrayante. Aussi était-il mobile parce qu’il n’a pas de toit, mais il était animé de foi.
Aujourd’hui le nomade a le toit mais sa foi est affectée par une doctrine qui est enracinée dans son esprit depuis 1984. Plusieurs groupes de pression, des hauts fonctionnaires, des notables, des hommes religieux, des officiers … perdurent et consolident cette mauvaise habitude.
Elle consiste à faire croire au chef de l’Etat que tout le monde est avec lui, qu’il est bien entouré, et on le suit là ou il va. J’ai cru que cette doctrine s’est dissipée depuis 2005. Et qu’avec son courage et son expérience, le Président mettrait fin à ces mauvaises habitudes.
Hélas loin s'en faut ! Ces pratiques reviennent et se renforcent davantage En effet, pendant la visite du président de la République aux deux Hodhs, c’est l’exode massif vers l’Est, le « gare au dernier !». Des convois interminables de grosses cylindrées s’ébranlent en direction des wilayas visitées.
Des ministres, des hauts fonctionnaires de l’Etat, des notables, des chefs traditionnels, des officiers ….rejoignent le bercail, mobilisent, regroupent, et préparent leurs troupes. Ils abandonnent leur travail, leurs familles et viennent grossir les rangs de l’accueil officiel.
Au coude à coude, serrés les uns contre les autres, pour tenter d’arracher « la poignée de la chance et de l’opulence ». L’Etat s’arrête, se vide, d’un côté, se remplit et s’anime de l'autre côté. Des gens de l’IGUIDI, de l’ADRAR, du TIRIS, du TAGANT ….sont venus pour savourer les épices du CHARGH, en ce début de la saison sèche. L'expression d'une nouvelle allégeance en somme !!
La visite d’un président de la République est avant tout, une prise de contact avec la population et les autorités régionales. Il doit donner des consignes très claires à l’administration afin de trancher les problèmes posés (eau, électricité, santé, enseignement…..) Il doit visualiser la population dans les quartiers difficiles, les regroupements villageois, les écoles, les hôpitaux, les associations …et susciter les échanges avec franchise et sérieux.
Le peuple est habitué à de solutions temporaires et ponctuelles. J’ai honte d'entendre un responsable dire à son collègue : " amène les pièces détachées, on va redémarrer la machine le temps que le Grand fait ici, et après on rebrousse chemin avec nos pièces !!!"
J'ai vu des véhicules de l'ENER en train de combler des trous du bitume dans des axes intérieurs de la ville d’AIOUN. Espérons que ces flaques noires résistent, le temps que le président reste parmi nous. L'éclairage public revient au bonheur des enfants qui jouent au football.
En fait le président devra éviter les visites marathoniennes qui rallument les rivalités tribales et régionales et entrainent des dépenses inutiles, surtout pendant cette période de vaches maigres et après cette décevante vague de détournement de fonds publics, par les vrais responsables du pognon. Le proverbe disait : " Si le cri provient de la montagne, on a nulle part où se cacher ".
J'espère que le président de la République saura tirer des leçons du passé, et mettra définitivement un terme aux pratiques de l'assoiffé du pouvoir "typiquement africain". Nul n'est eternel, et la Mauritanie ne sera jamais la carcasse d'un gibier abandonné par les lions pour être un repas délicieux des vautours.
Néma Ould Ahmed
Professeur à l'Université d'AIOUN