Mémoires de Méderdra/Par Brahim Ould Ahmed Ould Memady

2 April, 2015 - 02:45

Quand Nouakchott séduisait Méderdra

Chapitre 5

 

Un jour, du milieu des années soixante, à la boutique de El Khadim, non loin du C.C. des jeunes filles de Nouakchott, le hasard rassembla quelques méderdrois nostalgiques de leurs familles restées au terroir…

A l’époque, pour aller  à l’Eparse, il fallait inévitablement passer par Rosso. Ce qui n’arrangeait pas les quelques fonctionnaires et employés qui n’avaient que trente-six heures à peine pour un trajet de plus de six cents kilomètres, dont une bonne partie est sur piste jusqu’alors. Le rassemblement de la boutique avait évoqué la question du week-end et parmi les présents était le chevronné et très sérieux feu Mohamed Lemine ould Amy de H’sey Amy. Chauffeur très expérimenté, qui s’engagea à trouver rapidement une solution à  la question.

C’était ainsi, qu’il organisa une mission de reconnaissance du terrain entre Tiguent et Méderdra. C’était alors qu’il retint le tracé de piste aujourd’hui goudronné. Donc le brave feu Mohamed Lemine ould Amy en fut le pionner et le topographe-ingénieur…

Ainsi S’sangue qui n’avait d’yeux que pour Rosso, commençait à apprécier le charme de Nouakchott…

Donc, Ould Amy, prenait les « deîmaçe » (endimanchés) le samedi soir à dix-huit heures pour les déposer, chacun chez soi à Méderdra, vers vingt heures. Et, le lundi matin vers quatre heures, ils les reprenaient pour les redéposer à la capitale vers sept heures ! Et ce, contre deux cent ouguiyas pour aller-retour. Après peu de temps la ligne devint quotidienne… Et ce fut, la ruée des Land-rover… Avec les célèbres chauffeurs que tout méderdrois connait : Abdellahi ould Meky, Sid’Ahmed ould Kreibolly, Mohamed Mahmoud ould Balla, Saleck ould Abderrahmane, Abdellahi ould Abderrahmane, H’meidou ould Abderrahmane, el Bekaye, ould Mohamed Khayrat, ould Seigue, Mamoune, M’beirick, Alioune ould Hond, Mohamed Salem ould Sabar, Lek-heil, Sidi Faye, Aly ould Amghairat, S’neibe, el Id, Bah ould Bah, etc.

Enfin, Nouakchott dissipait le flegme de Méderdra qui lui tournait le dos et, avait bien fini par séduire et soulager significativement son enclavement…

Le trafic Méderdra-Rosso existait depuis l’ère précoloniale du fait d’ «Amkouboul » ou commerce de la gomme arabique. Son transport s’effectuait à dos de chameaux d’ânes et de bœufs, puis par véhicules.

Méderdra fut le seul grand fournisseur de la Sonimex, en gomme arabique, laquelle société l’exportait au profit de ses fournisseurs en sucre. La cueillette de ce produit naturel fut bien l’aubaine des populations du sud du pays, qui l’échangeaient en  troc (gued ebgued ou bedilé)…

La production inestimable de l’Eparse, en cette matière parvenait toujours à bon port, grâce au sérieux et à l’efficacité des transporteurs Tlabine et Oulad Bezeid et leur flotte de camions T46 et à la persévérance du vieux marocain el Marrakchi qui tenait son office gommier en face de Sidati ould Maeloum (de bedilé vers amkouboul).

Pour ce qui est donc de la gomme arabique, et après un long abandon, Méderdra avec sa flore complètement rajeunie, depuis un certain temps, pourra magistralement reprendre son rôle et faire beaucoup mieux au plan national et local… Ceci, une fois les services forestiers remis sur pieds avec tous les moyens nécessaires et sans retenue…

D’ailleurs, l’expérience du Soudan en la matière est très édifiante ! Autant s’en inspirer donc, et engager la formule innovante pour le secteur qui le sortira de celle artisanale et archaïque, vers une industrialisation effective, moderne et surtout durable…