La doctrine diplomatique mauritanienne : Des constantes de la politique étrangère au cadrage de la vision

25 December, 2025 - 15:26

Une circulaire émanant de Son Excellence le ministre des Affaires étrangères de la Mauritanie, invitant les missions diplomatiques à contribuer à l’élaboration d’une doctrine diplomatique nationale, a suscité un débat sur les réseaux sociaux. Ce débat a oscillé entre interrogation légitime et interprétations hâtives, allant parfois jusqu’à évoquer l’absence même d’une doctrine diplomatique.
Or, une telle lecture appelle clarification et nuance. Il ne s’agit ni d’introduire un concept inédit, ni d’opérer une rupture avec le passé, mais bien de procéder au cadrage de  ce qui existe déjà et de rendre explicite ce qui est demeuré implicite dans la pratique diplomatique mauritanienne.
Contrairement à ce qu’ont avancé certains, la politique étrangère mauritanienne n’a jamais été dépourvue de référents. Elle s’est construite, à travers les différentes périodes et malgré les changements de régimes politiques, autour de constantes solides, demeurées largement imperméables aux alternances gouvernementales et aux fluctuations des contextes régional et international. La diplomatie mauritanienne a ainsi conservé, dans son essence, une logique d’équilibre, le respect de la légalité internationale, la primauté de la stabilité, ainsi qu’une volonté constante de préserver une marge d’autonomie dans la prise de décision nationale.
Nous avons d’ailleurs déjà mis en lumière certains traits structurants de la doctrine diplomatique mauritanienne dans notre article consacré au bilan diplomatique de l’année 2024, publié dans le quotidien national "Horizons ". Dans cet article, nous avons évoqué des
 constantes qui relèvent d’éléments constitutifs de l’action diplomatique  et non de choix conjoncturels liés à des personnes ou à des séquences politiques passagères.

 

Structurer et clarifier la vision

Dès lors, ce qui est proposé aujourd’hui ne doit pas être interprété comme la recherche d’une doctrine absente, mais plutôt comme une démarche visant à structurer et clarifier la vision.
Les États modernes ne se contentent plus de politiques étrangères fondées sur les usages et les traditions ; ils s’attachent à les inscrire dans un cadre de référence explicite, garantissant cohérence et continuité tout en  facilitant la transmission de la vision diplomatique d’une génération à l’autre.
Dans ce contexte, il convient de rappeler que Son Excellence le ministre des Affaires étrangères, M. Mohamed Salem Ould Merzoug, a annoncé, dès les premiers jours de sa prise de fonctions, plusieurs objectifs à court terme, parmi lesquels figuraient l’élaboration d’un cadre de référence pour une doctrine diplomatique mauritanienne, ainsi que l’adoption en conseil des ministres, d’un décret portant création de l’Académie diplomatique mauritanienne. Cela traduit une conscience précoce de l’importance du cadre  institutionnel et théorique de l’action diplomatique.
L’Académie diplomatique mauritanienne a d’ailleurs contribué, à travers ses colloques, conférences et programmes de formation, à esquisser les grandes lignes de cette doctrine, en approfondissant la réflexion sur les constantes de la politique étrangère, en mettant en valeur la spécificité de la position géopolitique de la Mauritanie — carrefour entre le Maghreb, le Sahel et l’Afrique atlantique — et en articulant l’action diplomatique autour des enjeux de sécurité, de développement et de diplomatie culturelle.

 

Un espace de réflexion stratégique
Dans cette perspective, l’Académie s’est affirmée comme un espace de réflexion stratégique contribuant à ancrer une approche fondée sur  l’anticipation et la cohérence, plutôt que sur l’improvisation et les réactions ponctuelles.
Enfin, l’appel adressé aux missions diplomatiques pour  une participation à l’élaboration de la doctrine diplomatique s’inscrit pleinement dans une logique de concertation. Ces missions, du fait de leur contact quotidien avec les partenaires internationaux, disposent d’une connaissance pratique des mutations en cours et, parfois, des écarts entre le discours officiel et les exigences du terrain.
Leur implication dans ce processus ne remet nullement en cause la centralité de la décision, mais en renforce au contraire le réalisme, faisant de la doctrine diplomatique le produit cumulatif de l’expérience de l’État, et non un exercice théorique déconnecté.
En définitive, le débat autour de la doctrine diplomatique mauritanienne gagnerait à être conduit avec sérénité et responsabilité, dans l’objectif de renforcer l’efficacité de la diplomatie nationale, de consolider la position du pays et de préserver ses constantes, plutôt que de remettre en cause un parcours qui, dans son essence, est demeuré cohérent au fil du temps.

Abdel Kader Ould Mohamed