
Le contrat d’approvisionnement du pays en hydrocarbures, qui lie notre pays à la société Addax, et qui devait prendre fin en Décembre de cette année, après deux ans de mise en œuvre, a été reconduit pour une année supplémentaire. Alors qu’un appel d’offres devait être lancé pour choisir un nouveau trader (ou le même, si celui-ci le gagnait à nouveau), l’État a préféré miser sur le même cheval qui lui fait perdre, tout au long de la précédente période, des centaines de millions. Une décision totalement irrespectueuse des dispositions réglementaires qui ne prévoient aucune possibilité de reconduire un tel contrat de plus un milliard de dollars par an.
C’est, en fait, contrainte et forcée que la Mauritanie avait été obligée de conclure ledit accord avec Addax en Décembre 2023, faute de prétendants sérieux à un marché qui n’intéressait pas les grands traders. Ceux qui lorgnaient dessus ont ainsi eu tout loisir de s’entendre pour imposer leurs conditions et…. leurs prix. Une entente illicite, en somme. Et la situation n’a pas changé depuis quelques années. Du coup, l’État est obligé de se plier, avalant à nouveau moults couleuvres pour ne pas se retrouver à sec. A titre d’exemple, le dernier contrat a fait perdre à la Mauritanie entre 120 et 150 millions de dollars chaque année. Par un subterfuge des plus simples : dans sa proposition financière, Addax vendait (et continue de vendre) les produits aux distributeurs locaux ainsi qu’à la SOMELEC et à la SNIM, selon les tarifs en vigueur le jour J sur le marché international mais elle y ajoute une marge pour les assurances, le transport et tous les frais annexes.
Un arrangement a priori ordinaire mais qui a pris, en cette occurrence, une tournure particulièrement singulière. Qu’on en juge avec les faits suivants : si les traders ajoutent, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, 40 à 60 dollars (en fonction des produits) par tonne d’hydrocarbures vendue aux distributeurs – une marge très raisonnable –, en Mauritanie, cette marge s’élève à près de 220 dollars. Est-il normal, par exemple, que le prix du kérosène soit moins élevé au Mali, un pays totalement enclavé, qu’en Mauritanie ? Est-il normal que la SOMELEC paye son fuel 150 dollars la tonne de plus qu’au Sénégal ? Une belle marge qui ne part pas entièrement dans les poches d’Addax : la société a des appuis locaux qui lui permettent d’évoluer en territoire conquis et de ne pas respecter ses engagements.
Un (autre) mauvais coup
Depuis plus de 30 ans que la Mauritanie organise et confie son approvisionnement pétrolier à des traders internationaux, elle n’a jamais vécu autant de manquements de son fournisseur à ses obligations. Ces deux dernières années, Addax a cumulé de nombreux et importants retards dans les livraisons, des rejets de tankers pour non-conformité de la qualité des produits, avec, en conséquence, des rationnements voire des pénuries de produits pétroliers, entraînant l’utilisation abusive, sans frais ni pénalités, des stocks de sécurité.
Il était pourtant contractuellement prévu qu’Addax paierait des pénalités aux clients, lorsqu’elle se trouverait en défaut de livraison de produits dans les délais impartis. Las ! Malgré des dossiers en béton, la SNIM et la SOMELEC, à qui ADDAX devait quelques dizaines de millions de dollars de pénalités, n’ont jamais vu la couleur de l’argent. On leur a tout simplement conseillé de passer ces montants par pertes et profits. En échange de quoi ? Demandez-le donc aux intermédiaires à qui profite ce qu’on peut qualifier de crime économique ! Non contente de flouer ces sociétés nationales, Addax est en train de jouer également un autre mauvais coup à toute la Mauritanie. Selon les termes du contrat arrivé à expiration, elle a touché 16 dollars de plus par tonne, pendant deux ans, pour financer la construction de nouveaux dépôts de carburant d’une capacité de 100.000 tonnes. Un chantier qui devait démarrer en janvier 2024 mais dont la première pierre n’a été déposée qu’en Novembre de la même année et les travaux n’ont commencé qu’en 2025.
Addax a donc déjà encaissé quelque 38 millions de dollars pour cette construction loin d’être finie. Le consommateur mauritanien continuera, lui, à payer 16 dollars par tonne pendant une année supplémentaire mais, cette fois, pour une autre société privée : la fameuse Arise devenue Terminal à conteneurs de Nouakchott (TCN). Celle-ci qui devait construire, selon son cahier de charges, un nouveau quai au Port de Nouakchott, pour recevoir les bateaux approvisionnant le pays en hydrocarbures, n’a pas pu respecter ses engagements. Cet argent lui évitera probablement de mettre les clés sous la porte. Ce qui ne sera que la continuation des multiples privilèges qu’on lui a accordés depuis Ould Abdel Aziz jusqu’à nos jours, sans que cela ne lui permette de réaliser ce à quoi elle s’était engagée : aménager un quai avec un bon tirant d’eau pour recevoir de gros bateaux.
Cette opération en faveur d’Addax de plus d’un milliard de dollars par an constitue le plus gros contrat jamais conclu en Mauritanie avec une seule entité. Les sociétés pétrolières à qui l’on a forcé la main ont été obligées de signer cet avenant, sur la base d’une décision publique. Cependant plusieurs questions restent en suspens : Qui se cache derrière Addax et lui permet d’obtenir autant d’avantages indus ? Qui lui a conseillé de défenestrer son ancien représentant, à qui elle ne reproche pourtant rien, au profit d’un autre apparemment mieux introduit ? Jusqu’à quand cette société continuera-t-elle à nous imposer ses conditions ?
Ben Abdalla




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