Passif humanitaire : Un collectif des veuves et  une Alliance des orphelins et des victimes civiles et militaires empêchés de tenir une conférence de presse

1 December, 2025 - 19:32

La police a fait irruption,  dimanche après-midi!(30 novembre) dans le domicile de la défunte Mère Houleye Sall, sis à Sebkha pour empêcher le collectif des veuves et l’Alliance des orphelins des victimes civils et militaires  de Mauritanie de tenir une conférence de presse.  Ces collectifs entendaient réitérer leur exigence de vérité et de justice sur l’exécution et la disparition des leurs entre 1989 et 1990 mais aussi et surtout sur la pendaison de 28 soldats, sous-officiers et  officiers négro-mauritaniens dans la garnison militaire d’Inal, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990. Cette conférence de presse devrait clore les manifestations commémorant la fête de l’indépendance qu’elles ne considèrent  plus comme une « journée de réjouissance » mais comme  « une  journée de deuil ». Face à la situation, les veuves et orphelins,  soutenus par quelques députés et des activistes des droits de l’homme ont résisté et réussi à publier leur déclaration devant  quelques  médias. Les députés présents, Bala Touré, Khaly Diallo et Samba Soyel Bâ n’ont  pas manqué de signifier aux éléments de la police que leur acte est une violation de domicile privé et que la récente circulaire du premier ministre ne pouvait justifier  leur acte.
Sidérée et indignée, la présidente du collectif des veuves,  Maimouna Alpha Sy, entourée des membres du  bureau a tempêté : « les forces de police ont fait irruption dans cette maison privée où, depuis plus de trente ans nous organisons nos manifestation pour réclamer tout simplement la vérité et la justice ; nous voulons savoir qui a tué les nôtres et qui en sont les instigateurs pour qu’on puisse les traduire devant la justice. A lieu d’accéder à notre cette doléance mainte fois réitérée, on nous oppose la violence, qu’ils n’ont qu’à nous tuer, c’est tout ce qui reste au pouvoir». Signalons que ce groupe est opposé au processus de règlement du passif humanitaire en cours, ils exigent la vérité et la justice, sur les exactions commises sur les leurs. Si mère Houleye était vivante, les choses ne se seraient passées pas, à ainsi lancé Fatimata Ly, l’une des  membres du collectif des veuves.   
Dans leur déclaration, les veuves et orphelins ont rappelé les péripéties du passif humanitaire, leur combat et leurs revendications avant de revenir sur les arrestations opérées par les forces de l’ordre, le 28 novembre dernier. En effet, suite à une manifestation que le collectif et l’alliance ont organisée, le 28 novembre pour dénoncer les réjouissances de l’indépendance, plusieurs personnes ont été arrêtées. Selon des sources concordantes, 13 personnes dont des femmes et des jeunes sont éparpillées dans les différents commissariats de Sebkha. Ils ont réclamé leur libération rapide et sans conditions. Si l’an dernier, les personnes arrêtées avaient été libérées quelques heures après leur arrestation, cette année, les arrêtés sont toujours en garde à vue. Le collectif entendait également marquer son rejet des réparations de 26 milliards proposés par le gouvernement. 
Signalons enfin qu’un autre collectif des veuves et orphelins, favorable lui  au processus de règlement du passif humanitaire en cours,  avait pu tenir  la veille, dans une maison privée à Kossovo (Riyad), une conférence de presse pour apporter son soutien au dialogue avec le gouvernement.

Lire déclaration

Déclaration du Collectif des Veuves et de Alliance des Orphelins des Victimes Civiles et Militaires de Mauritanie du 30 novembre 2025
Nous, veuves et Orphelins des Victimes Civiles et Militaires de Mauritanie, prenons aujourd’hui la parole avec la dignité, la douleur et la détermination de celles qui savent que la justice n’est pas une option mais un devoir. Trente-cinq ans après les pendaisons d’Inal, après l’assassinat de plus de 520 militaires noirs mauritaniens dans des camps de torture disséminés à travers le pays, après des décennies de mensonges, de déni et de lois scélérates, notre engagement demeure indéfectible, incorruptible et impossible à réduire au silence. La nuit du 27 au 28 novembre 1990 n’a jamais pris fin pour nous. Elle se prolonge chaque jour tant que les corps de nos maris, de nos frères et de nos pères n’ont pas été retrouvés, tant qu’aucune vérité n’a été révélée, tant qu’aucune justice n’a été rendue, tant que ceux qui ont ordonné et exécuté ces crimes continuent d’être protégés par l’État et honorés dans ses institutions.
Face aux tentatives visant à maquiller un pseudo-règlement du passif humanitaire, à détourner notre lutte ou à nous instrumentaliser, nous affirmons avec force que nous ne reconnaîtrons jamais un processus dépourvu de vérité, de justice, de réparations et de garanties de non-répétition. Aucun voyage, aucune cérémonie, aucune mise en scène ne pourra se substituer à un règlement global conforme aux standards internationaux de la justice transitionnelle. Nous n’accepterons jamais que la mémoire de nos morts serve d’alibi à une normalisation politique fondée sur l’oubli. Notre engagement n’est pas négociable, et notre parole ne peut être achetée.
Dans ce contexte déjà lourd, nous dénonçons avec gravité les arrestations qui ont suivi la marche pacifique organisée pour réclamer justice. Treize personnes sont actuellement détenues dans sept commissariats différents, parmi lesquelles une jeune fille mineure née en 2009, deux orphelins, la vice-présidente du collectif des veuves et plusieurs blessés graves laissés sans soins. Dans certains commissariats, notamment à Sebkha 1, l’accès aux détenus est refusé, et des personnes comme Mariem Bocar Sy souffrent depuis des heures sans prise en charge. Nous rappelons que marcher pacifiquement, exiger justice et vérité, honorer la mémoire des victimes et demander la fin de l’impunité ne constitue en aucun cas un crime. Militer pour la justice ne le sera jamais. Nous exigeons leur libération immédiate et inconditionnelle.
Le refus de l’État mauritanien de régler le passif humanitaire ne constitue pas seulement une injustice nationale : c’est une violation manifeste de ses engagements internationaux. En continuant d’ignorer la vérité et de protéger les responsables des crimes, la Mauritanie viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que la Convention contre la torture, qui imposent toutes l’obligation d’enquêter, de poursuivre, de garantir des recours effectifs et de protéger la dignité humaine. Or, depuis des décennies, nos droits les plus élémentaires soit droit à la vérité, droit à la justice, droit à la sépulture, droit au deuil nous sont refusés.
Il est d’autant plus tragique que l’Union africaine ait placé l’année 2025 sous le thème de « Justice et Réparation », pendant que la Mauritanie, qui présidait encore l’organisation en 2024, continue d’ignorer ses propres victimes et de nier son histoire. Ce contraste révèle une profonde contradiction entre les discours officiels et la réalité vécue par les citoyens noirs mauritaniens, en particulier par les familles des disparus et des exécutés.
Aujourd’hui, nous réaffirmons avec force que notre engagement n’est pas seulement un devoir envers nos morts, mais un acte de résistance contre l’effacement et le mensonge. Tant que les tombes n’auront pas été retrouvées, tant que la loi d’amnistie de 1993 restera en vigueur, tant que les sites de torture ne seront pas identifiés, tant que les criminels continueront de bénéficier de protections institutionnelles, tant que nos enfants seront arrêtés pour avoir réclamé justice, nous resterons debout, unies, déterminées. Nous n’avons pas peur. Nous ne céderons jamais. Et nous irons jusqu’au bout pour que vérité, justice et mémoire triomphent enfin dans ce pays qui est aussi le nôtre.
Voici la liste connue des détenus et leurs lieux de détention :
1. Moussa Thiam
2. Abdallah Ould Mohamed Mahmoud (blesse grave)
3. Moctar Keita
4. Moussa Soumaré (orphelin)
5. Kaaw lô
6. Dieynaba Ndiom
7. Baalal Maimouna sall (vice-présidente collectif des veuves)
8 Jemila Ahmed
9 Hawa Diallo
10. Moctar Diaw –
11. Mariem Bocar SY (orpheline) - malade sans aucun accès à des soins
12. Moctar Gourmo Ndiaye dit Bayal
13. Boudalaye Diouma Sy
Au total : 13 personnes sont détenues dans sept différents commissariats, dont des blessés graves sans aucun accès aux soins.
Alliance des Orphelins des Victimes Civiles et Militaires de Mauritanie
Collectif des veuves
Nouakchott le 30 Novembre 2025