Un pays en loques où l’opulence côtoie la misère et le désespoir, où les yeux, hagards, des enfants affamés, agglutinés aux feux rouges d’une capitale ensevelie sous les ordures, sont éblouis par les voitures rutilantes d’une classe dirigeante arrogante, incompétente et corrompue. Je connais, je les ai vus, le désespoir et le désordre, quotidiens, des laissés-pour-compte, avec leurs conséquences, désastreuses, sur les enfants des rues de Nouakchott. Je sais combien ténue est, pour eux, la frontière entre l’humiliation et la fureur dévastatrice, je sais avec quelle facilité ils glissent dans la violence et le désespoir. Je sais combien la réponse des puissants, à ce désordre, fait alterner l’indifférence complaisante à l’usage de la force aveugle, l’alourdissement constant des peines de prison. Je sais que la jeunesse de notre pays vit une situation, endémique, d’inquiétudes profondes. Je sais que le durcissement des attitudes, le fondamentalisme et le communautarisme nous menacent tous. Un pays délabré. L’insalubrité y règne en maître. La Nation est abandonnée à elle-même. Le renchérissement du coût de la vie, la faillite du système éducatif, les défaillances des secteurs de la santé et de la sécurité publique sont autant de maux dont souffrent, plus que jamais, les Mauritaniens. Tous les mythes ses sont effondrés. L’inflation et la pauvreté fissurent les familles. Car le possible n’a jamais été accompli.
Deux républiques en une ! L’une à genoux, sans repère, déçue, frustrée, voir trahie ; l’autre, véritable industrie de fabrication, en série très limitée, d’une nouvelle classe bourgeoise, s’offrant palais de luxe et voitures rutilantes. Les Mauritaniens réclament le droit, le droit souverain, de jeter un regard sur la situation de leur pays ! Je sais que les grévistes n’ont plus aucun pouvoir ni droit d’achat, dans les magasins de la SNIM, ni, non plus, d’être soignés ou de faire soigner leurs enfants, à la polyclinique de Zouérate. Tout celui qui grève est menacé de faim. Les rues de la ville sont redevenues nauséabondes car les services de l’Etablissement des Voiries et de Bâtiments (EVB) ne fonctionnent plus. Pour traverser Zouérate, il faut savoir retenir sa respiration ou tenir un mouchoir sur la bouche et les narines. Les commerçants, les écoles privées, les boutiquiers du coin, les vendeurs de bétail, les blanchisseurs comme les restaurateurs, tous vont rester sur leur faim, ce mois encore. Les cadres et maîtrises de la SNIM commencent à montrer de la nervosité. Mais où est donc passé le maire, monsieur Cheikh ould Baya ? Quelle misère ! « Si Allah nous permet d’exploiter cette montagne, la Mauritanie verra jour. Sinon, ce sera difficile », répondit Moctar ould Daddah, à un journaliste français, en 1959, au pied de la Kédia d’Idjil. A bon entendeur, salut ! Monsieur le Président, vers où nous conduisez-vous ? Il faut arrêter les dégâts !
Ahmed Bézeïd ould Beyrouck