Après avoir perdu le Nord, avec cette grève qui traîne en longueur à la SNIM et face à laquelle il a décidé de rester impassible, en dépit des rumeurs de négociations, perpétuellement en instance plutôt que réellement en cours, Ould Abdel Aziz est parti à la conquête de l’Est. Considérées, plus à raison qu’à tort, comme un réservoir électoral pour tous les pouvoirs, ces régions, où sévissent encore chefs traditionnels, roitelets et fils de « grandes » familles, ont reçu, à partir du lundi 16 Mars, la « visitation » de l’éclairage présidentiel. Depuis plusieurs semaines déjà, c’est le branlebas de combat. Les réunions familiales se sont succédé aux réunions tribales. Aucune collectivité ne voulait rester en reste. Toutes ont mobilisé leur monde, collecté de l’argent, pour que, le jour J, leur accueil ne soit pas moins important, ni moins imposant que celui des autres localités visitées. C’est la course à qui amènera le plus de monde, de Nouakchott et d’ailleurs, pour garnir les rangs des accueillants. Même Nbeïket Lahwach, au fin fond du diable, donnera l’air, le jour de l’arrivée de la Lumière en chef, d’une ville où la densité de la population rivalise avec celles de Calcutta ou de Mexico. Le problème est qu’Ould Abdel Aziz, bien qu’il en ait vu d’autres, lorsqu’il gravitait dans le giron de Maaouya, finira par croire, comme son mentor, que ce « beau » monde est entièrement acquis à sa cause. Le pouvoir grise. Jusqu’au jour où il comprendra que tout ceci n’était qu’un cinéma destiné à entretenir une illusion de soutien au pouvoir sans lequel rien ne peut se faire dans le pays. Mais il sera trop tard.
L’UPR, ce PRDS des temps modernes, n’a pas voulu être en reste. Son président, à la tête d’une forte délégation, est déjà arrivé à Néma, pour participer à l’accueil. Après avoir demandé, aux « structures centrales et régionales du parti, d’être en état de mobilisation permanente, pour assurer la réussite de la visite du Président Fondateur (le PF cher à Mamane) du parti et Président de la République, Son Excellence Mohamed ould Abdel Aziz ». Tout un programme.
A présent que les hommes et les moyens sont mobilisés, à quoi faut-il s’attendre ? Que nous réserve notre Rectificateur en chef ? Quelles « bonnes » nouvelles va-t-il enfin nous annoncer, en cette période de grisaille ? Comme il n’a pas prévu de meetings populaires, Ould Abdel Aziz devrait se contenter d’inaugurations de quelques menus projets et de réunions de cadres, en dehors d’un passage en revue de « ses » troupes. A l’heure où l’on évoque la possibilité, plus que probable, d’un changement de Constitution, par referendum, pour passer d’un régime semi-présidentiel à un parlementaire, le Président entend certainement prendre l’avis de la Mauritanie des profondeurs. Comme si elle en avait eu déjà eu un. Comme si elle n’avait toujours répondu, au doigt et à l’œil, au locataire du palais gris, quel qu’il soit.
Ceux qui bousculeront pour saluer et applaudir l’Eblouissant, l’ont déjà fait à d’autres et le feront, dans quelques jours, quelques mois, quelques ans – demain, somme toute – lorsque son tombeur entreprendra, lui aussi, une « visitation » tout aussi en règle que celle-là. Pour l’éblouir, à son tour, de la même illusion. Les peuples ont la mémoire courte. Leurs dirigeants apparemment aussi. Mais, au pays du million de mirages, c’est plus qu’un constat : une vraie tradition, un protocole obligé. Au moindre souffle de vent, la trace d’hier, si convaincante, si convaincue, s’efface…
Ahmed ould Cheikh