L’opposition et l’allégeance dans notre culture collective

16 October, 2025 - 10:28

Notre problème ne réside pas seulement dans l’absence de démocratie, mais dans notre peur instinctive d’elle.
Nous, Mauritaniens, portons en nous des conceptions religieuses profondément enracinées qui nous font croire que s’opposer au dirigeant revient à enfreindre la loi divine, voire à sortir de la foi. C’est pourquoi, depuis des décennies, nous suivons les régimes successifs et tournons avec eux selon le vent du pouvoir.
Ainsi, dès qu’un groupe de militaires renverse un régime, revêt l’habit civil et fonde un nouveau parti, nous le voyons aussitôt entouré de partisans enthousiastes. Et lorsque survient un nouveau coup d’État, les allégeances changent à nouveau : un autre parti naît sur les ruines du précédent. Il suffit alors d’en changer le nom pour que commence la course effrénée aux postes et aux privilèges, entre les anciens fidèles d’hier et les nouveaux hommes du pouvoir.
Les rares moments de divergence d’opinion qui apparaissent par hasard offrent un mince espace de liberté d’expression, mais celui-ci s’évanouit rapidement : nul ne résiste longtemps face au courant dominant, par crainte ou par intérêt, même après des années d’expérience politique.
Dans notre conscience collective, l’opposition est presque perçue comme un péché, et cela suffit à constituer une nouvelle entrave pour des esprits déjà enchaînés. Il n’est donc pas surprenant que l’on ne voie guère d’opposition persister dans la défense des principes et des idéaux proclamés lors de sa création : elle finit souvent par se dissoudre dans la chaleur du pouvoir ou par se replier dans un silence inquiétant.
Il est temps de revoir cette culture — non pas pour s’ériger contre le dirigeant ni pour idolâtrer l’opposition — mais pour ancrer le principe d’une citoyenneté consciente, fondée sur le droit et le devoir, plutôt que sur la peur, la convoitise ou le tribalisme. Car plus l’opposition est honnête, plus l’allégeance est sincère, et plus l’État se rapproche de l’équilibre et de la justice.

Brahim Ould Saleh

 9 octobre 2025