
À l’issue du second mandat du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, la Mauritanie s’apprête à franchir un tournant décisif de son histoire politique. En effet, l’avenir du pays dépendra de la capacité de ses élites à dépasser les logiques communautaires pour embrasser une gouvernance inclusive et éclairée. Ainsi, l’accession au pouvoir d’un dirigeant issu d’une autre communauté que la communauté maure ne constituerait nullement une menace ; au contraire, elle représenterait une chance salutaire pour la nation.
D’une part, une telle gouvernance permettrait de briser les clivages hérités de l’histoire et de substituer à la méfiance mutuelle une coopération sincère entre toutes les composantes de la société mauritanienne. D’autre part, elle favoriserait l’instauration d’un climat d’équité et de transparence, en rupture avec les pratiques anciennes fondées sur les privilèges de caste ou les alliances occultes.
Il convient de souligner, en outre, que les Maures eux-mêmes pourraient tirer un bénéfice substantiel de cette évolution. En effet, l’absence de réseaux traditionnels d’influence — ces fameux « bras longs » que constituent les notabilités tribales, les chefs religieux ou encore certains hauts fonctionnaires — a souvent marginalisé une partie de cette communauté. Dès lors, l’avènement d’un État fondé sur le mérite et l’égalité des chances offrirait aux Maures, comme aux autres citoyens, une respiration nouvelle et la perspective d’une reconnaissance fondée sur la compétence plutôt que sur l’appartenance.
De plus, un leadership pluriel renforcerait la cohésion nationale, en permettant à la Mauritanie de se réconcilier avec ses multiples héritages. La diversité, loin d’être un obstacle, deviendrait alors une richesse partagée et un facteur d’unité. Parallèlement, l’amélioration des relations avec les pays africains voisins contribuerait non seulement à consolider la stabilité régionale, mais également à dynamiser les échanges économiques, culturels et diplomatiques. Ce choix stratégique permettrait aussi de contenir les logiques expansionnistes venues du nord, tout en affirmant la souveraineté nationale dans un cadre de solidarité régionale.
Scénario éculé
Il importe également de rappeler que, dans le contexte du nouvel ordre mondial, un État comme la Mauritanie, de par sa position géostratégique, ne peut se permettre la moindre vulnérabilité. Située à la croisée des mondes arabo-berbère et subsaharien, au seuil de l’Atlantique et aux confins du Sahel, la Mauritanie demeure un carrefour très ambitionné, exposé aux rivalités d’influence et aux convoitises économiques. Par conséquent, pour se soustraire aux éventualités susceptibles de fragiliser sa stabilité et de compromettre son avenir, elle doit consolider en son sein un sentiment d’unité indéfectible. Autrement dit, il est impératif que chaque Mauritanien, quelle que soit son origine ou son appartenance, se sente viscéralement attaché à la préservation de l’intégrité du pays, à la défense de sa souveraineté et à la promotion de son bien-être collectif.
C’est précisément dans cette perspective que j’ai rédigé ces lignes, afin de répondre à certains citoyens, ennemis de la Mauritanie, aveuglés par leur arrivisme, leur opportunisme et la recherche d’intérêts particuliers. Ces derniers, dans une démarche irresponsable, appellent déjà à une révision de la Constitution pour permettre au président Ghazouani de briguer un troisième mandat. La manœuvre n’est pas nouvelle : elle n’est que la répétition d’une chanson usée et d’un scénario éculé que vraisemblablement les mêmes acteurs avaient tenté d’imposer jadis avec l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. Or, au-delà du fait qu’ils tournent le dos à l’esprit même de la démocratie, ces appels compromettent gravement l’image internationale de la Mauritanie, ternissent la crédibilité de ses institutions et sapent la confiance du peuple dans ses dirigeants. Ils donnent de notre pays l’image d’un État incapable de respecter ses propres règles, prêt à se livrer aux caprices d’individus mus uniquement par leurs intérêts égoïstes.
En définitive, la véritable grandeur d’un État ne se mesure pas à la reproduction mécanique des hiérarchies sociales, mais à la capacité de ses institutions à protéger les faibles, à valoriser les talents et à garantir la dignité de chacun. Ainsi, après la fin du mandat du président Ghazouani, il incombera aux acteurs politiques et sociaux de hisser la Mauritanie vers une gouvernance juste, équilibrée et visionnaire, afin que la pluralité mauritanienne devienne une force politique et morale au service de la nation tout entière, et que le pays, uni et résilient, s’affirme comme un acteur souverain et respecté dans le concert des nations.
Eléya Mohamed
Notes amères d'un vieux professeur