Il y a juste quelques jours, Lemrabott Sidi Mahmoud Ould CHEIKH AHMED nous quittait, brusquement. Comme nombre de Mauritaniens qui l’ont connu, j’ai été attristé par cette grande perte. A cette douloureuse occasion, je ne peux résister au devoir de lui rendre hommage. Un hommage qui ne peut se lire et s’interpréter comme un rituel bien de chez nous (« dire du bien des disparus »), bien que je n’ai rien contre ce rituel, mais comme un témoignage sincère sur les qualités d’un homme que j’ai connu et apprécié.
On ne peut pas dire que lui et moi avions quelques atomes crochus. Chacun avait son combat. Chacun avait aussi ses choix. On ne partageait même pas les mêmes milieux sociaux. En dépit de cela et au fil des ans, j’ai pu comprendre et apprécier les grandes qualités de l’homme. Professionnel et rigoureux, voire tatillon dans son travail, courtois dans ses rapports avec les autres, sincère dans ses propos, respectueux des opinions des autres, humain dans sa vie de tous les jours et imbu de nos valeurs traditionnelles d’humilité, de fidélité, de générosité et de piété, Lemrabott était tout cela à la fois. Jamais le contexte, même aux pires moments de diabolisation de ma personne et de mon combat contre l’esclavage et pour la dignité de l’Homme mauritanien, n’a été un élément déterminant dans son attitude à mon égard. Il est resté le même homme qui sait dire avec le sourire, je ne suis pas d’accord avec vous mon frère mais je respecte vos choix.
Lemrabott est surtout pour moi un homme d’Etat comme il en existe ou en reste peu. Les hautes charges publiques qu’il a assumées, tout jeune comme au sommet de son art, ne l’ont jamais poussé à l’arrogance que procure le pouvoir. Et pourtant, il en avait les moyens et pouvait s’y donner à cœur joie et à peu de frais. Au lieu de cela, il a pu s’imposer la règle d’or ; du respect de tous et surtout de l’impersonnalité des décisions publiques.
Servir l’Etat était son crédo. Et il le faisait consciencieusement quelle que soit la fonction qu’il assumait. Son ambition était de faire avancer les choses, de toujours mieux faire pour que les actes qu’il pose impactent demain positivement sur toute la société. Directeur à moins de 25 ans, plusieurs fois ministres, donné « premier ministrable » à maintes reprises, plus d’une fois remis dans la petite chambre de la réserve de la République, il a su rester le même. Et c’est avec du cœur et beaucoup d’ambitions qu’il avait accepté de prendre la direction de l’ex-ENA, lui qui avait déjà assumé de très hautes charges publiques. Tel fut Lembrabott. Cinquante six ans c’est peu dans la vie d’un homme. Mais son œuvre est colossale dans la vie d’un fonctionnaire. C’est un exemple pour les générations. Et c’est un homme que notre histoire retiendra.
A sa famille et à tous les siens, je présente mes condoléances émues et prie ALLAH le miséricordieux, dans son infinie bonté, de l’entourer de sa Grâce et lui accorder son Paradis.
« Inna lillahi wa inna ileyhi raji’oun »
Nouakchott le 11 mars 2015
Boubacar MESSAOUD
Président de SOS - Esclaves