
Le premier ministre Mokhtar Ould Diay a présidé un conseil ministériel chargé de la préparation de la prochaine rentrée scolaire, prévue le 6 Octobre prochain. Ont pris part à cette rencontre les départements ministériels concernés, les chefs d’exécutifs régionaux, les conseils régionaux, les maires, les PTF de l’éducation et les syndicats.
Cette grande rencontre entre dans le cadre des préparatifs de la rentrée scolaire attendue par les élèves, leurs parents et le corps enseignant. En Mauritanie, malgré le narratif de l’importance que les autorités disent accorder à l’enseignement, la rentrée scolaire reste un évènement assez banal, préparée juste au dernier moment. Pour s’en convaincre, il suffit d’entrer dans les établissements au lendemain de celle-ci. C’est comme si les vacances se poursuivaient dans une autre atmosphère : des cérémonies sont organisées en différentes écoles choisies pour l’occasion, on y prononce des discours élogieux sur l’école, sur les moyens déployés, etc. Des enseignants sont choisis pour présenter quelques cours devant les autorités administratives, les DREN, le personnel enseignant et les parents d’élèves. Les nouveaux manuels de l’Institut pédagogique national (IPN) sont exposés à l’occasion mais on ne les trouve, comme depuis toujours, pratiquement jamais dans les kiosques de l’institut. D’autant moins qu’en dépit de l’augmentation de leur nombre – chiffré aujourd’hui à 178, contre 53 en 2019 – trop de ceux-ci restent fermés, faute de tenanciers. Du coup, c’est sur les parterres du marché de la capitale à Nouakchott qu’on les retrouve, vendus au double ou triple de leur prix officiel.
Rentrée à….la maison
En Mauritanie, on a la fâcheuse habitude de préparer les classes au lendemain du coup d’envoi officiel de leur ouverture : nettoyage des salles, cours de récréation, latrines, répartitions des classes et des emplois du temps, réfection des tables-bancs…Du coup, les enfants sont renvoyés chez eux parce que rien n’est prêt. L’an dernier, dans une école pourtant choisie pour abriter la cérémonie de démarrage de l’année scolaire, on s’est ainsi rendu compte que les tenues scolaires étaient insuffisantes en nombre. Plus grave encore : à l’intérieur du pays, les cours démarrent généralement un mois environ après l’ouverture des classes. Les enfants sont ailleurs, arguant généralement que les enseignants ne viennent pas tôt. Pourtant ceux-ci sont convoqués près de deux semaines avant la rentrée officielle…
Il est certes louable de tenir un tel conseil interministériel pour préparer la rentrée scolaire prochaine. Il permet aux acteurs de faire le point des préparatifs, apprécier les moyens disponibles en termes de ressources humaines et matérielles. Une occasion d’évaluer les chantiers du programme de développement de Nouakchott qui comporte un important volet de réalisations d’infrastructures scolaires… Espérons donc que les instructions du PM ne resteront pas vaines ! Il paraît très difficile de secouer le mammouth qu’est le secteur de l’éducation. États généraux, cascade de réformes non-évaluées, laxisme déploré de tous… Le coup de pied dans la fourmilière, intervenu récemment au ministère autour d’un marché de tables-bancs et de craies, démontre combien ce laxisme rampant mine le département.
Aujourd’hui, en dépit de tous les intérêts que les gouvernements successifs affirment accorder à l’éducation, au budget qu’on lui consacre, aux efforts déployés pour améliorer les conditions de vie et de travail du personnel, les travailleurs de l’éducation ne cessent de se considérer comme les plus mal payés et les moins respectés de l’État. Celui-ci ne cesse pourtant de fournir des efforts, en termes d’augmentation de salaire, de primes d’incitation et d’éloignement, mais, à chaque début ou fin d’année scolaire, les enseignants ne cessent de grogner, alors que bon nombre d’entre eux sont passés champions en absentéisme et que leur pratique pédagogique demeure de faible rendement. Le recrutement de certains contractuels pour combler le déficit a été une catastrophe : niveau insuffisant ou carrément absence de formation pédagogique appropriée ; mais il fallait, comme on dit boucher les trous.
Des bouche-trous catastrophiques
Selon les chiffres du ministère, mille enseignants vont bénéficier de logement chaque année, durant les trois premières années d’un projet étalé sur quinze ans. L’objectif est d’améliorer les conditions de vie des enseignants dont le statut sera aussi amélioré. Ould Diay peut bien secouer le mammouth et l’on s’attend à ce qu’il le fasse, en changeant le mode opératoire de la rentrée scolaire. Parmi les efforts brandis par le ministère, on peut citer : l’équipement en salles multimédia des treize capitales des wilayas du pays pour l’enseignement à distance ; quarante-sept salles informatiques connectées au réseau et équipées de sept cents ordinateurs portables et de trois-mille quatre cents tablettes électroniques ; l’enseignement des langues nationales pour « renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale » ; l’élaboration et l’adoption de cadres de référence pour les programmes scolaires, sur la base desquels les nouveaux programmes ont été rédigés, ainsi que la préparation de cours pour tous les niveaux d’enseignement ; l’augmentation de 150 % et la prime d’éloignement et la prime de craie portée à 45 000 MRO, généralisée à tous les mois de l’année, et une extension aux équipes de supervision. Le tout couronné, en Janvier 2023, d’une augmentation générale des salaires de 20 000 MRO. En Avril 2025, une prime de 60 000 MRO a été accordée aux enseignants contractuels, ainsi que 20 000 aux enseignants du Primaire. 5 817 872 livres ont été distribués.
Il faut enfin rappeler que la rentrée scolaire précédente avait été marquée par de vives protestations, suite à la mise en œuvre de la loi de réforme de l’éducation portant l’école républicaine. Les parents d’élèves et les promoteurs des écoles privées grondaient contre la suppression du français aux trois premières années du Fondamental. Tous les enfants mauritaniens devraient, au terme de la 3ème année de la réforme, se retrouver dans les écoles publiques et s’instruire en arabe. Beaucoup d’écoles privées mauritaniennes en ont pâti, notamment celles qui appliquent le programme français. Si leurs élèves ont rejoint l’école publique, comment s’est déroulée leur intégration ? Avec quelles chances, au final, d’une élévation du niveau général des connaissances de cette nouvelle génération ?
Dalay Lam