Après une réunion de synthèse, le FNDU a livré les points qu’il voudrait voir figurer sur la feuille de route du dialogue avec le pouvoir. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces points divergent, de beaucoup, avec ceux proposés par le pouvoir, via son Premier ministre, Yahya ould Hademine. Dans son document, le FNDU évoque, entre autres, la « régularisation » de la situation du bataillon présidentiel qui constitue, à ses yeux, une garde prétorienne personnelle de l’actuel président de la République, évoluant hors du commandement de l’état-major des armées ; la déclaration du patrimoine du président de la République, la non-modification de la Constitution limitant le nombre consécutifs de mandat présidentiel à deux, l’ouverture des médias publics à l’opposition, la libération des détenus politiques (de l’IRA, entend-on), la liberté de manifester, l’enrôlement des citoyens, le problème, récent, des employés de la SNIM, la régularisation de la situation du journaliste Mamouny ould Moctar, du juge Ould Nenni, révoqués injustement, l’application stricte des lois abolissant et criminalisant l’esclavage, la réintégration des étudiants exclus…
En plus de l’examen de ces questions, le FNDU exige, de la part du président de la République, un engagement, écrit, sur les points suivants : se placer au-dessus des partis et acteurs politiques, garantir une justice indépendante, mettre l’armée à l’écart du champ politique, organiser des élections consensuelles, gérées par un gouvernement de consensus, pour appliquer les résultats du dialogue et son chronogramme établi en concertation ; recourir à la concertation pour toute nomination de directeur d’établissement public.
Pour sa part, le gouvernement avait proposé de débattre, avec l’opposition, d’élections municipales et législatives, voire présidentielle, anticipées ; de la neutralité de l’administration et de l’armée, dans ces compétitions électorales ; de la refonte des institutions chargées de l’organisation des élections ; de la limitation de l’âge des candidats à l’élection présidentielle ; de l’unité nationale, de l’esclavage…
Divergences
Si des compromis sont possibles, autour de l’organisation des élections, de l’ouverture des media publics à l’opposition, de la libération des détenus de l’IRA, des manifestations publiques, de l’application des lois sur l’esclavage et de l’unité nationale, la neutralité de l’administration, de l’armée – surtout du BAtaillon de la SEcurité Présidentielle (BASEP) grâce auquel l’actuel président a réussi les putschs de 2005 et de 2008– pourraient constituer une grosse pomme de discorde entre les parties. En effet, l’armée n’a cessé d’influer, depuis 1978, sur la politique mauritanienne, à tel point qu’on se demande comment l’actuel pouvoir – qui en est le rejeton direct – pourrait-il consentir à scier la branche sur laquelle il est confortablement assis.
Autre point de discorde, la déclaration publique du patrimoine du président de la République, comme l’exige la Constitution. Le locataire du Palais gris n’a pas daigné honorer cet ordre constitutionnel, alors que l’opposition le suspecte de s’être « trop enrichi », notamment depuis son arrivée à la tête de l’Etat. On se demande, enfin, si le Président va accepter – point essentiel pour le FNDU qui n’oublie pas le coup de Dakar – de s’engager, par écrit, à rester au-dessus des partis ; garantir, en tant que premier magistrat du pays, l’indépendance de la justice sans laquelle il n’y a pas de recours et, donc, de démocratie ; tenir l’armée loin du champ politique qu’elle a investi depuis 1978, et former un gouvernement de consensus qu’il a, jusqu’ici, jugé sans objet…
En acceptant de discuter et, qui sait, de s’entendre sur ces points de divergences, le président Mohamed Ould Abdel Aziz, dont le FNDU doute de la sincérité à dialoguer et, par conséquent, à trouver des solutions aux problèmes que vit le pays, remporterait une grande manche de la partie. Wait and see.
L’unité nationale, une omission ?
Dans ses propositions, le FNDU ne semble pas faire de l’unité nationale sa priorité, elle ne figure pas sur sa liste. Une omission, à moins que la liste dont le Calame a reçu copie ne soit pas exhaustive ? Les questions de l’esclavage et de l’enrôlement ne semblent pas couvrir toute l’ampleur du domaine en question… En tous les cas, l’unité nationale de ce pays est fortement mise en doute, depuis quelques années, et refuser d’en parler, aujourd’hui, serait choisir la politique de la fuite en avant. Si Biram ould Dah ould Abeïd et ses codétenus sont en prison, c’est, justement, parce qu’ils ont osé dénoncer des obstacles à cette unité nationale. Il n’est un secret pour personne que la montée des revendications d’ordre communautariste à laquelle on assiste, depuis quelques années, est le résultat de la mauvaise gestion de la cohabitation entre les diverses communautés nationales ; autrement dit, le fruit de l’injustice que dénoncent nombre d’organisations. D’ailleurs, certaines d’entre elles ne manquent pas d’accuser les partis politiques de se préoccuper beaucoup plus du fauteuil présidentiel et de comment dégager celui qui l’occupe actuellement, que des problèmes de cohabitation entre les communautés…
DL
encadré
« Le FNDU ne croit pas en la sincérité d’un dialogue avec un pouvoir qui ne respecte pas ses engagements avec les travailleurs et qui brandit la menace de fermer six mois la SNIM », dixit Mahfoudh ould Bettah, président du pôle politique du Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU). C’était au cours d’un point de presse organisé, par le FNDU, mardi midi au siège du CDN que préside également maître Mahfoud ould Bettah.
Le président du CDN s’est d’abord longuement appesanti sur l’importance économique de la SNIM, symbole de notre souveraineté nationale, premier pourvoyeur du budget de l’Etat, premier employeur du pays ; puis sur les risques que le pouvoir fait courir, à toute la Mauritanie, par son refus de satisfaire aux doléances plus que légitimes des travailleurs. L’avocat a réitéré le soutien, ferme, du FNDU aux travailleurs de la SNIM, en s’interrogeant sur les chances d’un dialogue avec le pouvoir en place qui a prouvé, par le passé, sa propension à renier ses engagements. Mais le FNDU ne ferme pas, pour autant, la porte au dialogue avec le pouvoir à qui il a, d’ailleurs, envoyé un document détaillant les points qu’il voudrait voir figurer à l’agenda d’éventuelles discussions. C’est dire que le FNDU, semblant lier le dialogue avec le pouvoir à la résolution de la question de la SNIM – et l’on comprend bien qu’il serait difficile, pour ne pas dire impossible, d’envisager un quelconque accord excluant cette question sociale si capitale pour l’avenir du pays – se trouve encore dans l’obligation de louvoyer, à la recherche de la meilleure voie pour éviter, une fois le dialogue enclenché, de se faire rouler dans la farine.