Maltraitance des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile : HRW accuse, le MIDEC conteste

4 September, 2025 - 23:38

L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a accusé, le mercredi 27 Août 2025, les autorités mauritaniennes d’avoir commis, entre 2020 et 2025, de graves violations à l’encontre des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, dans le cadre de la coopération migratoire avec l’Union européenne et l’Espagne. Dans un rapport de cent quarante-deux pages intitulé « Ils m’ont accusé de vouloir aller en Europe », HRW documente des cas de torture, viol, harcèlement sexuel, arrestation arbitraire, expulsion collective et de conditions de détention qualifiées d’inhumaines. Ces abus seraient le fait de la police, de la gendarmerie, de l’armée, de la marine et des gardes-côtes mauritaniens.

 

Une coopération sous tension

Selon l’ONG, ces pratiques s’inscrivent dans la stratégie d’« externalisation » des frontières menée par l’UE, qui délègue le contrôle migratoire à des pays-tiers en échange d’un soutien financier et logistique. En Février 2024, Bruxelles a signé avec Nouakchott un partenariat de 210 millions d’euros, comparable aux accords conclus avec la Tunisie et l’Égypte. En première ligne sur la route des Canaries, l’Espagne a également renforcé sa présence en Mauritanie, en y déployant ses forces de sécurité pour des opérations conjointes. « Pendant des années et comme d’autres pays d’Afrique du Nord, les autorités mauritaniennes ont appliqué un manuel répressif contre les migrants », a déclaré Lauren Seibert, chercheuse de HRW. « Mais les réformes récentes montrent qu’une autre approche est possible », selon elle.

 

Expulsions massives et détentions arbitraires

D’après le rapport, plus de vingt-huit mille migrants ont été expulsés vers le Mali et le Sénégal au premier semestre 2025. Beaucoup auraient été abandonnés dans des zones désertiques, parfois en proie à l’insécurité. HRW rapporte aussi que des enfants non-accompagnés ont été détenus avec des adultes et que des agents espagnols ont participé à des arrestations entachées d’abus. Pays de transit mais aussi d’accueil, la Mauritanie héberge environ cent soixante-seize mille réfugiés, principalement maliens. Mais elle est également devenue l’une des principales routes migratoires vers l’Europe : en 2024, près de quarante-sept mille personnes auraient ainsi rejoint les îles Canaries par la mer.

 

Appel à des réformes durables

Tout en dénonçant la persistance des abus, HRW reconnaît des avancées récentes, notamment des engagements officiels pour améliorer la protection des migrants. L’ONG exhorte toutefois Nouakchott à mettre fin aux expulsions collectives et à renforcer le contrôle des forces de sécurité. Elle appelle également l’Union européenne et l’Espagne à conditionner leur coopération au respect des droits humains, à réorienter leurs fonds vers la protection et non la répression et à accorder une attention particulière aux femmes et aux enfants.

 

Un rapport « biaisé »

Le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation a rejeté, vendredi, le dernier rapport de Human Rights Watch (HRW) sur la gestion des migrants irréguliers en Mauritanie, le qualifiant de « dépourvu d’objectivité et de crédibilité » et contraire « aux réalités observées sur le terrain ». Dans un communiqué, le ministère a affirmé que le pays applique son cadre juridique en matière de lutte contre la migration irrégulière, conformément aux conventions internationales relatives aux droits de l’Homme.

Il a mis en avant plusieurs mesures, dont l’ouverture de cinq centres d’accueil temporaire à Nouakchott et Nouadhibou, dont un réservé aux femmes, ainsi que la fondation de deux nouveaux centres maritimes attendus fin Septembre. Ces structures disposent, selon le ministère, de services de santé, d’eau potable, d’électricité, de moyens de transport et de dispositifs de sécurité. Le gouvernement précise que ces centres font l’objet de visites régulières de diplomates, d’organisations nationales et de responsables de communautés étrangères qui auraient exprimé leur satisfaction. Aucun migrant, ajoute-t-il, n’a apporté de preuve de mauvais traitements ou de spoliation.

Le communiqué cite également des résultats concrets : démantèlement de réseaux de passeurs, sauvetage de milliers de migrants en détresse, inhumation de près de neuf cents corps rejetés par la mer et interventions régulières des garde-côtes, dont la dernière le 27 Août à M’Heïjrat. Enfin, le ministère rappelle que la Mauritanie entretient, depuis 1991, le camp de réfugiés de Mberra qui héberge aujourd’hui plus de cent cinquante-trois mille maliens, preuve, selon lui, de son engagement humanitaire. La Mauritanie appelle à une coopération internationale « fondée sur la justice et le respect mutuel » et rejette toute accusation jugée infondée de la part de HRW.

 

                                                                                                                                          Synthèse Kaaw Thierno