Le président Mohamed ould Abdel Aziz a déclaré 2015 année de l’enseignement. Une année, c’est douze mois. Une année scolaire normale, c’est, au maximum, sept à huit mois. Or, cette année 2015 va vite. Nous sommes déjà en Mars, à la veille des vacances scolaires de Pâques. Nous n’aurons plus, alors, que quatre-vingt-dix jours avant de clore l’année scolaire 2015. Une année dont les jours se sont suivis et se sont ressemblés, comme des jours ordinaires de n’importe quelle autre année. Concrètement, rien de spécial n’a été fait. A part de rappeler, à la moindre occasion, que l’année 2015 avait été décrétée année de l’enseignement. Les cinquante et poussières inspections départementales du pays sont restées tout aussi délabrées qu’en 2014. Aucune d’elle ne dispose ne serait-ce que de rien pour accomplir passablement son travail. A titre d’exemple, les inspecteurs départementaux de M’Bout, Kobeni ou Tamchekett se déplacent à pied, pour la routine des visites quotidiennes des quelques écoles de leur petite ville. Leurs collègues des moughataas d’Arafat, d’El Mina ou de Ryad ne sont pas en de meilleures conditions. Certes, le ministère aura procédé à la distribution de livres scolaires, de quelques unités informatiques et bureaux, au profit de certaines structures scolaires ou d’encadrement. C’est une bonne chose, mais loin de suffire à une aussi grande ambition. Le système éducatif est tellement malade que c’est à peine si les efforts conjugués de toute la république viendraient à le ranimer. Une véritable volonté politique qui voudrait le relancer passe, forcément, par un diagnostic sérieux des problèmes structurels dont il souffre. En cela, les conclusions et les recommandations des journées de réflexion des Etats Généraux de l’Education et de la Formation, issues des rencontres de 2012, peuvent servir de base de travail. Les dyisfonctionnements basiques du système sont un secret de Polichinelle : tout le monde les connaît. Il ne sert donc à rien de les énumérer éternellement. Ce qu’il faut, c’est une mobilisation générale et multisectorielle, pour les prendre en charge, au niveau de tous les départements concernés. Les grandes problématiques des moyens, des ressources humaines, des infrastructures, des langues d’enseignement, de la réhabilitation de la fonction et autres doivent faire l’objet de larges assises nationales auxquelles prendraient part tous les acteurs de l’opération pédagogique : ministères, experts, associations de parents d’élèves, syndicats opérationnels, partenaires internationaux... Une refondation générale du système est nécessaire. L’avenir du pays en dépend. Les défis et les problèmes auxquels il fait face en sont tributaires. Seule une bonne éducation prémunit contre les dérapages. Seule une éducation égalitaire, juste et républicaine garantit la cohésion sociale et combat efficacement les éventuels errements aux conséquences incalculables. L’école républicaine promeut la justice sociale et son corollaire, la paix civile entre toutes les communautés d’un même pays. C’est un grand idéal pour la réalisation duquel, les slogans ne suffisent pas. Il n’y a que la détermination, le courage et la ferme volonté qui servent à quelque chose. En Mauritanie, le ministère de l’Education est loin de cela. La preuve, trop de choses graves se passent au sein de ce plus grand employeur national. Deux exemples suffiront à illustrer mon propos. La vente des numéros nationaux qui permet, à ceux qui n’ont pas eu la chance de réussir leur entrée en sixième, d’accéder aux collèges d’enseignement général. Honteux que dans les travées de ce ministère, des fonctionnaires se permettent de monnayer un numéro national pour dix ou vingt mille ouguiyas. Tout comme il est irresponsable qu’au sein de la direction des examens et de l’évaluation, des groupes procèdent au « pompage » des bulletins, au profit des étudiants nouvellement envoyés à l’étranger, pour des montants, dérisoires, de cinquante à cinquante-cinq mille ouguiyas. Ces pratiques ne seraient, malheureusement, que la partie apparente d’un iceberg de malversations liées aux affectations, aux promotions et autres, que de hauts responsables de ce ministère parraineraient. Que l’année 2015 fût décrétée année de l’enseignement, c’était bien. Mais avant cela – au pire, avant l’achèvement de ladite année – il y a des préalables (pour user d’un jargon très en vogue) dont le démantèlement de ces petits réseaux affairistes du ministère de l’Education n’est pas des moindres.
Sneïba El Kory