La grève des travailleurs paralyse totalement la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), poumon économique du pays. Une grève de plus en plus populaire, qui bénéficie de l’appui, non seulement, des syndicats mais, aussi, des partis de l’opposition politique, ce qui semble renforcer la détermination des ouvriers à obliger la direction de la société à satisfaire leurs « revendications » ou, plus près des faits, à honorer ses promesses. Grévistes, ils ne percevront pas leurs salaires, ce qui met à rude épreuve leurs familles mais c’est le prix de la lutte. Aussi sont-ils déterminés à aller jusqu’au bout du tunnel.
Aujourd’hui et partout, on ne parle que de cette grève et de ses conséquences sur l’économie du pays mais on ignore les raisons qui poussent les responsables de l’entreprise à refuser d’ouvrir les négociations. Les sorties du président de la République qualifiant de « bonne » la situation de la SNIM, d’« illégitimes » les « revendications » des grévistes, en vis-à-vis des propos du ministre du Pétrole, des mines et de l’industrie, tendant à accuser les travailleurs de mettre à genoux l’entreprise, s’ils ne mettent pas fin à leur grève, laissent ouïr comme une espèce de cacophonie, au sommet de l’Etat. Entre les deux, l’ADG de la société ne sait à quel saint se vouer. La publication d’un communiqué laissant croire que la grève n’a en rien affecté la boîte prouve son désarroi. Il est périlleux, pour ne dire irresponsable, de déclarer, aux Mauritaniens, que tout se passe bien à la SNIM. Mohamed Abdallahi ould Oudaa paraît bel et bien sur un siège éjectable, même si certains de ses amis croient savoir que le président de la République lui garde encore sa confiance. Jusqu’à quand ?
Tout le monde sait que, dans ce pays, le président de la République gère tout, régente tout, tout seul. Et celui-ci ne dit rien, sauf que la société se porte bien et que les travailleurs n’ont pas respecté l’engagement qu’ils avaient pris avec lui, lors de son passage à Zouérate. Selon notre source, le président leur aurait demandé de surseoir à leurs droits, compte tenu de la baisse continue des prix des minerais (fer et or), ce qu’ils auraient accepté. C’est d’ailleurs pourquoi, toujours selon notre source, le président s’est emporté, quand les travailleurs ont décidé d’aller en grève, et a qualifié d’« illégitimes » leurs « revendications », lors de sa rencontre avec sa majorité présidentielle.
Qui oserait, dès lors, affirmer le contraire ? Prendre langue avec les « rebelles » de l’entreprise ? L’échec patent de la mission de l’UPR dépêchée à Zouérate illustre cet immobilisme obligé. Les missionnaires n’ont pas osé rencontrer les travailleurs. Mais, aujourd’hui, les entreprises de « sape et d’intimidation » ne débouchent sur strictement rien d’autre que le durcissement du conflit. Le train est presque à l’arrêt.
Le plus inquiétant, c’est le risque grandissant d’effet « boule de neige ». Les étudiants de la faculté de médecine sont également en grève, tandis que les anciens employés de Dragui Transports (Pizzorno) ont décidé de se rassembler, lundi matin, devant leur ancienne direction, avant de battre le macadam jusqu’aux grilles de l’ambassade de France à Nouakchott. Objectif : réclamer leurs droits, suite à la résiliation du contrat de l’entreprise par la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN). Rappelons que Pizzorno réclamait, à celle-ci et au gouvernement mauritanien, la bagatelle de quatre milliards d’ouguiyas. Une partie de ce montant, soit 2,3 milliards d’ouguiyas, a été versée, en Février 2015, à l’entreprise française qui aurait disparu sans régler les arriérés de salaires de ses employés et diverses factures de ses fournisseurs. Mais on peut tout aussi bien objecter que ces arriérés sont à porter aux 1,7 milliard que l’Etat et la CUN ont omis de rembourser à Pizzorno. Rien n’est donc bien clair, là encore, tout comme dans les comptes de la SNIM, si aisément pompés par l’Etat… dont tout le monde connaît le mode autocrate de direction…
Ben Abdella