Au mois de Mai 2007, alors qu’une forte rumeur faisait état de l’intention du gouvernement de l’époque, d’envisager la vente de la SNIM, je m’étais risqué, a livrer, modestement cette contribution, sous le titre « La SNIM en chiffres et en lettres ». Mon objectif était de faire ressortir les impacts de l’activité de la SNIM, sur le quotidien des populations du couloir minier Nouadhibou-Zouerate, et dans une certaine mesure, sur les autres régions du pays. Aujourd’hui, alors que la même rumeur revient, je voudrais « réchauffer » cette contribution et vous la proposer, en partage :
La SNIM en chiffres étant relativement bien connue du public, mon propos portera essentiellement sur « la SNIM en lettres », telle que perçue et vécue par le commun des Mauritaniens, qui n’a pas nécessairement accès aux chiffres, ni à leur interprétation.
1- La SNIM, après le drapeau national, est probablement le symbole où se reconnaissent tous les Mauritaniens.
Pour les populations des Wilayas du Tiris et de Nouadhibou (les plus rebelles du Nord), qui ont vu arriver la MIFERMA sur la terre de leurs ancêtres, cette terre, dont le vénéré Cheikh Mohamd El Mamy avait fait le berceau de ses fécondes prophéties, en prédisant l’essentiel de son dessein, comme pour les travailleurs venus de tous les coins du pays qui ont uni leurs efforts et fraternisé au sein de la première entreprise industrielle nationale, ou pour l’Etat Mauritanien, dont elle est garante de la crédibilité internationale et de la fiabilité économique, la SNIM est l’un des principaux piliers de notre souveraineté nationale dont nous pouvons difficilement nous défaire.
Ces régions, ces travailleurs et cet Etat se sont battus, chacun à sa façon et selon ses moyens, pour faire redonner à la Mauritanie sa fierté, sa dignité, en assumant la maîtrise de l’exploitation de nos ressources minières. Combien de sacrifices, parfois au prix de leur vie, ont été consentis par les Mauritaniens, jeunes, étudiants et travailleurs, pour que
la MIFERMA devienne SNIM et que la SNIM soit celle de tous les Mauritaniens ?
2- La SNIM est une grande école, à l’échelle du pays. Une école où se forment les meilleurs spécialistes du pays et où se forge l’esprit de civisme et du respect de la chose publique. Elle est un des meilleurs creusets de l’unité nationale et un grand laboratoire où se cultive la conscience professionnelle. Sa façon originale d’intervenir comme régulateur du marché de l’emploi, est unique dans le pays. En effet, elle recrute annuellement la majeure partie des diplômés de l’enseignement technique et professionnel pour leur apprendre leur métier et les intégrer dans ses propres structures, assurant ainsi un renouvellement nécessaire et permanent de ses ressources humaines. En sens inverse, elle met à la disposition de l’Etat et du secteur privé, par le biais de détachement, de disponibilité ou de retraite anticipée, bon nombre de cadres et techniciens expérimentés qui participent ainsi au redressement et à la gestion d’entreprises et de projets où leurs équivalents ‘expatriés’ coûteraient trop cher pour une efficacité relative.
3- La SNIM, au quotidien, c’est des milliers d’hommes et de femmes, qui, trois cent cinquante jours par an, réalisent des tâches, des plus simples au plus complexes, pour que les trains partent et arrivent à l’heure. Pour que le minerai soit extrait, traité et exporté aux quatre coins du monde dans les meilleures conditions de qualité et de sécurité. Pour y arriver, des ouvriers, techniciens, agents de maîtrises et ingénieurs veillent chaque jour, que Dieu fait, à ce que toutes les tâches programmées soient « effectuées en temps et en lieu convenus ». La confiance que lui témoignent ses clients et partenaires confirme bien son intégration, en bonne place, dans le Panel des grandes entreprises qui se sont hissées au niveau du standard international de la qualité.
4- La SNIM, entreprise citoyenne, ne peut être évaluée seulement, en termes de valeur marchande. En effet, pour les quelques 7000 travailleurs (permanents et en sous-traitance), les 40.000 marmites qui, mensuellement, attendent les salaires SNIM, les nombreux fournisseurs nationaux (de biens et de services), les populations installées, en plein désert, tout le long de la voie ferrée ( 700 Km) qui, de M’Haoudat, extrême gare du nord, à ‘Point Central’, terminus Sud, attendent quotidiennement que « leur train » leur apporte eau, riz, sucre, thé, chameaux ou moutons, la SNIM n’a pas de prix.
5- La SNIM, c’est ce qui doit rester, quand on aura tout…bradé. Pour pouvoir envisager sa vente, partielle ou totale, à des étrangers, il faudra braver la volonté de tout un peuple dont l’histoire récente est profondément liée à cette entreprise, qui lui a beaucoup apporté et à laquelle il aura tout donné. En effet, du tristement célèbre « 29 Mai 68» où les travailleurs ont opposé leurs corps aux balles réelles pour sauver la dignité de
la Mauritanie, en passant par le sanglant « 1er Mai 77» où des travailleurs ont été tués, pris en otages et fait prisonniers pendant des années, les Mauritaniens, mineurs, ou simples citoyens, n’ont rien épargné pour que ce morceau de désert qu’ « Allah leur a donné », soit débarrassé, à jamais, de toute mainmise étrangère. Même au moment de la reconstitution du capital de la SNIM, certains travailleurs sont allés à son secours en offrant, modestement, leurs salaires contre de symboliques actions dont l’hypothétique rémunération ne pouvait être l’unique motivation. Est-il besoin, en fin, de rappeler que la SNIM a été « immortalisée » par de célèbres poètes, dont Ahmedou Ould Abdel Kader, auteur du poème « El Bittah », nom local de B’tAh Zouerate, et Hemmam (chacun dans sa spécialité), sans oublier les innombrables « Guivanes populaires anonymes » qui chantent les meilleurs moments de cette aventure et de ‘Echerika’ ?
6 - La SNIM ferait-elle l’objet d’une « dénationalisation » camouflée? Dans une telle perspective, où la concertation serait fatalement absente, les Mauritaniens, en particulier les travailleurs et leurs syndicats, sauront consentir le sacrifice approprié pour préserver leurs acquis et la souveraineté du pays, sachant que le prix à payer serait alors celui de l’honneur et non seulement celui d’une quelconque entreprise. En attendant, il faut espérer qu’un sursaut de patriotisme et de responsabilité gagne toute l’intelligentsia pour éviter au pays qu’une ‘dénationalisation’ de la SNIM n’entraîne, avec elle, l’Ouguiya, la BCM et tous les acquis des années 70.
Nouakchott le 20.04.2007
Ahmed Yedaly