Passions d’un engagement (68): Dans les camps des réfugiés mauritaniens au Sénégal.Par Ahmed Salem Ould El-Moctar-Cheddad

10 July, 2025 - 00:17

Les mêmes causes produisent les mêmes effets
A l’époque, concernant les événements raciaux des années 1989/91, rares étaient ceux qui ne pensaient pas qu’il s’agissait d’une gaffe politique purement locale. Peu de temps après, des irruptions de violences semblables pour ne pas dire identiques, des fois plus graves, auront lieu un peu partout, ailleurs et dans la sous-région, notamment. En Mauritanie on simplifiait les choses en les schématisant en noir et blanc, considérant uniquement la couleur de la peau.
 

Des précédents plus graves
Ailleurs, le niveau de violence, opposant parfois des ethnies différentes mais se confondant par le teint de la peau, le cas du Rwanda, dépassait souvent l’entendement humain. Dans d’autres pays, le cas de la Somalie, les violences opposaient des fois des tribus appartenant à la même ethnie et dont les membres parlaient la même langue et épousant la même religion, l’Islam. Avec le temps, on se rendit compte que certains usaient sciemment du nom de l’ethnie ou de la tribu à des fins politiques généralement égoïstes et mesquines.
 

La survie, un instinct animal mais aussi humain
Ce genre de violence, ce genre d’exploitation opportuniste du fait ethnique ou tribal, est loin d’être nouveau. De tout temps, les hommes avaient pour principal souci la survie. Comment gagner son pain quotidien, comment survivre aux difficultés quotidiennes de la vie courante, constituait une préoccupation permanente de chaque être humain. Comme chez toute espèce animale, chaque individu bouscule l’autre pour s’accaparer seul de la source d’alimentation, la source de vie. Plus la source de vie est rare, plus meurtrière est la confrontation pour se l’approprier. C’est là qu’il faut chercher d’abord les causes premières des guerres civiles et des irruptions des violences à caractère tribal ou ethnique, notamment en Afrique. Là réside l’explication plus ou moins objective des phénomènes migratoires depuis la nuit des temps et particulièrement du même phénomène dans ses dernières et tragiques manifestations sous forme d’un déferlement des peuples affamés du sud sur le nord supposé vivre dans l’opulence.
 

La réaction désespérée du sud affamé
L’exploitation effrénée et continue des ressources économiques du monde dit sous-développé, ainsi que les effets grandissants de l’explosion démographique dans les mêmes parties du monde, expliquent pour l’essentiel les raisons des irruptions spontanées et de plus en plus fréquentes des violences qui ne cessaient de secouer depuis quelques temps plusieurs parties du monde contemporain.
 

Des explications fallacieuses
 A chaque fois, il faut recourir à une argumentation, parfois la plus terre-à-terre, pour se donner le bon droit de recourir à des formes de violence inhumaines sans justification rationnelle.
 

En compagnie de Diop Morgan
Dans la vallée du fleuve Sénégal, les camps des réfugiés mauritaniens s’étendaient de Richard Toll, non loin de Rosso Sénégal, jusqu’à Matam à l’Est du Sénégal. On avait visité presque tous leurs sites. On écoutait attentivement leurs divers, nombreux et particulièrement douloureux récits concernant leurs conditions d’expulsion ou de départ forcé de la Mauritanie. Beaucoup s’effondrèrent en larmes en évoquant de nouveau ces douloureux événements.
J’avais visité de nombreux sites habités par nos peulhs de la zone de Rkiz. On m’informa du décès peu de temps avant notre arrivée du vieux Mamdell et de son neveu, le jeune Guepatt. La vieille Diary, se comportant toujours en « Grande Royale », nous avait reçus comme des pachas dans ses belles et vastes cases. A quelques rares exceptions, presque tous les camps de réfugiés étaient encadrés par des éléments, militants ou sympathisants du MND. Notre camarade feu Diop dit Morgan était de notre compagnie. Il encadrait sagement l’ensemble des camps de réfugiés. Grand hommage bien mérité à lui pour l’occasion.
Beaucoup reprochaient aux Flamistes, militants d’un mouvement négro-africain, considéré comme extrémiste, de les avoir entrainés dans l’engrenage de la violence à l’origine de leur calvaire. Je me rappelle du jeune élève Yeslem Ould Khaled tué à sa sortie du Lycée National par des manifestants du mouvement FLAM en fin 1979. C’était un parent à notre camarade feu Ghali Ould Abdelhamid et fils de l’ancien préfet feu Mohamdi Ould Dahoud. Le jeune voulait protéger des jeunes adolescents attaqués par des manifestants enFLAMés.
Dans plusieurs sites, on avait constitué des représentations du parti et désigné des délégués au congrès. Les délégués élus portant de nombreuses voix appartenaient tous à la mouvance MND. Leurs voix s’ajoutaient à celle du seul délégué désigné à Dakar portant seulement quelques voix. Il s’agissait aussi d’un sympathisant du MND. C’était feu Khalifa, un ressortissant de chez nous qui encadrait presque tous les marchands Mauritaniens du marché de bétail de Dakar. Je m’étais arrangé pour que celui-ci soit l’unique porteur des quelques voix de Dakar. J’avais laissé sciemment aux parents de Hassène la direction de la représentation de Dakar. Au congrès, les voix des réfugiés feront la différence.

(À suivre)