
Dans Mauritanie d’antan et de toujours, publié chez L’Harmattan en 2023, Marcel Laugel mêle avec finesse souvenirs personnels, fiction romanesque et méditation sur une société en pleine mutation. Ancien officier des affaires musulmanes et diplomate, l’auteur s’appuie sur sa connaissance intime de la Mauritanie des années 1950 pour brosser le tableau original, parfois impertinent, d’un pays à l’aube de son indépendance.
Le récit s’ouvre sur un événement pour le moins inattendu : une conférence de presse internationale réunie autour d’un biologiste africain de renom, salué de part et d’autre de la Méditerranée pour ses recherches avant-gardistes. Celui-ci y présente les résultats d’une expérimentation génétique, réalisée avec le consentement éclairé d’une patiente noire, ayant donné naissance à une fillette entièrement blanche, sans aucun trait phénotypique africain. Cette révélation, aux allures de fiction provocatrice, suscite un vif émoi dans les milieux diplomatiques, religieux et scientifiques, en posant des questions vertigineuses sur l’éthique, l’identité biologique, et même la souveraineté des jeunes nations africaines.
C’est à partir de ce bouleversement que l’intrigue s’installe : alerté par son ambassadeur, le ministre des Affaires étrangères convoque une assemblée extraordinaire de quarante notables — érudits religieux, chefs tribaux et hauts fonctionnaires — afin de débattre sans tabou des défis contemporains. Cohabitation entre islam et christianisme, mariages interreligieux, sécularisation des institutions, conciliation entre traditions bédouines et aspirations modernes : tout est mis sur la table avec une liberté de ton qui oscille entre gravité et satire.
Au centre du livre, un échange aussi subtil que savoureux entre deux jeunes diplomates mauritaniens illustre ces questionnements profonds sur la foi, la modernité, et le devenir culturel du pays. Le dialogue entre islam et christianisme devient ici prétexte à une réflexion plus vaste sur le sens du progrès dans un monde postcolonial.
Initialement conçu comme un projet à quatre mains avec le premier ambassadeur de France en Mauritanie — décédé avant d’avoir pu l’achever —, ce roman est devenu entre les mains de Laugel un texte singulier, à la fois érudit, critique et profondément ancré dans les paradoxes d’un pays en quête de lui-même.
Un récit dense de 98 pages, à lire pour celles et ceux que passionnent les croisements entre mémoire, satire, spiritualité et Histoire.