
A/ Du secteur de Kaédi (1980-84) à la 2ème région militaire de Zouerate (1984-86)
Le secteur autonome de Kaédi a été créé en Mars 1980, sans doute en réponse au manque d'une réelle présence militaire dans les cités du Sud-mauritanien. Du temps du président Haidalla (1980-84), la volonté politique ne souffrait d'aucune objection, d'une part, et du moment que la guerre du Sahara a également pris fin dès le 10 juillet 1978, d'autre part. Le président Mohamed Khouna Ould Haidalla a pris le pouvoir suite au décès de Ahmed Ould Bouceif, un brillant colonel et un grand baroudeur durant "la guerre des sables". Haidalla, issu du Nord, ayant peu d'alliés maures, s'est appuyé sur deux béquilles : l'Algérie couvrant son protégé, le Polisario, et les ressortissants de la Vallée, par militaires interposés. Au milieu de ce jeu d'alliances se trouvent les militants du mouvement El Horr, une initiative attestée par la nomination du gouverneur du Gorgol, Messaoud Ould Belkheir, du capitaine Breika MBarek comme commandant de la prestigieuse 6ème région militaire. Il faut ajouter qu'en cette période du début des années "80", les officiers Peuls étaient très imposants et dynamiques. Rien ne pouvait se faire sans le consentement d'une kyrielle d'officiers supérieurs, tous issus de la Vallée du fleuve. Faut-il signaler l'écrasante stature de feu le colonel Yall Abdoulaye, ancien ministre de l'intérieur et surtout ancien CEMGA. Yall était suivi d'une constellation d'officiers Peuls et non des moindres tels Athié Hamath, Diop Djibril, Anne Amadou Babaly, feu Dia Elhadj (un officier de forte personnalité, plus rusé qu'un fennec), ainsi que d'autres jeunes officiers issus d'une nouvelle génération qui croyaient que leurs aînés avaient une lecture biaisée des "conditions insupportables" que vivent les Noirs de Mauritanie. Le colonel Yall Abdoulaye était craint de tous et surtout respecté des officiers supérieurs Maures. En bon citoyen, il parlait l'arabe dialectal de Mauritanie, ce qui est un atout majeur. Le stratège chinois Sun Tzu l'a dit dans son traité de l'"Art de la Guerre", datant de 25 siècles et qui reste d'actualité: " apprends à connaître ton ennemi, un ennemi connu est à moitié vaincu". S'il ne tenait qu'aux officiers pionniers Peuls qui ont fréquenté assidument leurs frères d'arme Maures, on ne doit faire un coup d'Etat qu'en ayant toutes les cartes en main. C'est pourquoi les tentatives d'octobre 1987 et du 8 juin 2003 ont échoué, puisque la maturité et la synchronisation faisaient défaut. Les jeunes officiers Peuls après la mort du patriarche, ont profané son héritage, en voulant passer à l'action avant que le fruit de la patience, récipiendaire de la réussite ne soit au rendez-vous. En voulant jouer les Thomas Sankara, et suite à la mort subite de Yall Abdoulaye en 1985, les jeunes officiers Peuls ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir. Depuis ce jour, la situation socio-politique de la Mauritanie est en ébullition.
Des officiers et des soldats de valeur
Sous la pression des fils de la Vallée, la 4ème région militaire de Tijikja, jadis commandée par feu le commandant Ahmed Ould Minnih, fût disloquée. C'est ainsi que les unités militaires et de gendarmerie, venant aussi du Nord (voie ferrée) sous le commandement, cette fois de feu le lieutenant Bellahi Ould Maouloud secondé du sous-lieutenant Lebatt Ould Maayouf, ont été déployées dans la capitale du Gorgol. Car une base militaire installée dans une agglomération est synonyme de retombées sécuritaires, mais aussi économiques, voire matrimoniales. Kaédi était une ville cosmopolite, puisque toutes les composantes de notre tissu socio-culturel y vivaient en harmonie; des Peuls et des Soninké conservateurs de Thouldé, ou de Gattaga, en passant par le Maure de Jedida, jusqu'au fonctionnaire du quartier "Moderne", fief de Bah Bouyé Ould Abderrahmane El Welaty, époux de Magatt Ngom, symbole du métissage bio-culturel. L'ambiance, la joie de vivre étaient au même diapason. Toutes les familles Arabes telles Ehel Teiss, Ehel Ahmed Benane, Ehel Djah etc. et Négro-mauritaniennes de Ba Abdel Aziz, de Kane Alpha, de Youssouf Koita, de la famille Touré etc. se connaissaient et s'appréciaient..., avant que les démons du séparatisme ne prennent le dessus. Depuis une méfiance s'est installée entre les populations jadis unies pour le meilleur et pour le pire.
Au secteur autonome de Kaédi (SAK), j'ai été, jeune sous-lieutenant agréablement surpris par le degré de patriotisme de feu le lieutenant Bellahi Ould Maouloud. Sur un parc de 53 land-Rover British, seuls 3 véhicules sont autorisés à se déplacer: celui du commandant de secteur pour le déposer à la maison et le ramener, celui du sous-lieutenant Lebatt Maayouf, commandant le sous-groupement opérationnel no 41 et le véhicule des servitudes. Feu Bellahi faisait ses courses domestiques avec sa jeune épouse Taghlé et son bébé Hamoud (machallah un homme apprécié maintenant) sur les bras. Malheureusement Bellahi est décédé à la fleur de l'âge, au grade de lieutenant, lorsqu'il commandait la 7ème région militaire de Rosso. Il est le seul lieutenant qui ait eu ce privilège, de par son intégrité morale, sa disponibilité au travail et son attachement au patriotisme.
En 1980, les commandants d'unités au secteur autonome de Kaédi étaient feu le sous-lieutenant Mohamed Ould Abdi Ould Vleivoul (cdt du sous-groupement statique), les sous-lieutenants Mohamed Abdel Aziz, feu Sarr Amadou, feu Abdallahi Ebnou, feu Sidi Ould Mayouf, Sy Aboubacar Djaltabé, le sous-lieutenant Sidi Mbarek Ould Cheiguer. J'étais le seul officier adjoint à Sarr Amadou. Il y avait d'excellents cadres sous-officiers et de soldats de valeur, tout droit venus de la guerre du Sahara. Le 16 Mars 1981, le sous-lieutenant Abdel Aziz et moi, sous les ordres du lieutenant Lebatt Ould Maayouf commandant le sous-groupement 41, avons reçu comme mission de sécuriser l'aéroport de Kaédi: empêcher l'atterrissage de quelque aéronef que ce soit. Pour le pouvoir, le Sénégal est l'allié du Maroc, d'où est venu le commando composé de valeureux officiers feus colonels Ahmed Salem Ould Sidi, Abdelkader Ould Bah et le sous-lieutenant Niang.
1/ Ouff...le futur président de Mauritanie logeait avec moi depuis novembre 1980, mais je ne l'ai jamais su avant le mois d'août 2008.
(A suivre incha'Allah, 3ème partie)