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Confortablement assis dans son fauteuil à regarder un match de foot à la télé, sa douce moitié à son côté, il était loin de s’attendre, ce paisible citoyen, à ce que sa soirée puisse se transformer subitement en cauchemar, quand un bip l’incita à consulter l’application ‘’Houwiyeti’’ (mon identité) qu’il avait récemment installée sur son portable. Un message simple et succinct l’informant en peu de mots que son acte de mariage avait bel et bien été établi. Manquant de s’étrangler, il ne peut s’empêcher de se tourner vers sa dame qui, finaude, aperçoit illico son trouble, jette sans tarder un coup d’œil… puis les deux !... sur la petite note apparemment si anodine et la voilà aussi sec sur ses grands chevaux ! Et pour cause, l’épouse mentionnée sur l’avis de justes noces… ce n’est pas elle ! « C’est qui, cette traînée ? », rugit-elle. « Mais… mais », tente-t-il de se justifier, « je ne la connais ni d’Ève ni d’Adam, celle-là ! – Ha oui ! Tu me prends pour qui ? » Et les noms variablement fleuris volent en tous sens… Nuit agitée. Au matin, le digne époux parvient cependant à convaincre sa légitime de l’accompagner dans les bureaux de l’Agence des Titres Sécurisés pour tirer cette incroyable affaire au clair.
Voilà comment ces deux braves personnes ont ouvert une véritable boîte de pandore. Une enquête a été ouverte sans délai. Elle a déjà permis de découvrir deux cent cinquante falsifications d’actes de mariage établis pour des quidams en souffrance de visa Schengen. Un réseau apparemment bien huilé qui négocie ces sésames au prix fort – jusqu’à deux millions MRO ! – et opère depuis quelques années au vu et au su de tous. Mais personne ne pouvait imaginer que ces faussaires pouvaient aller jusqu’à falsifier un acte de mariage pour une personne dont le (ou la) « conjoint(e) » a déjà personnellement obtenu un ou plusieurs visas et retrouvant ainsi garant(e), par simple paperasse interposée, de la demande de celui ou celle qu’il (ou elle) ne connaît en aucune façon.
Douze personnes ont été placés sous mandat de dépôt et trois autres sous contrôle judiciaire, en attendant la fin d’une instruction qui risque ne pas dévoiler tous les contours de cette scabreuse affaire. Pour un acte de mariage falsifié, combien d’autres sont passés sous le boisseau ? Quoique fasse l’Agence et malgré toutes les précautions, des indélicats poussés par l’appât du gain trouveront toujours un moyen de déceler une faille qui leur permettra de réaliser leurs sombres desseins…
Ahmed ould Cheikh