« Les femmes ne bougent pas, elles ne crient pas très haut pour défendre leurs droits », c’est ce qu’a déclaré Madame Mehla Mint Ahmed, ancienne ministre et présidente de l’observatoire pour la défense des femmes et des filles, au cours d’un point de presse, tenu ce 15 janvier 25, au siège de cet organe consultatif.
L’ONDFF avait convié la presse pour dévoiler les dessous d’un mariage forcé d’une fille, née en 2010. Informé de l’affaire, l’observatoire s’informe par le biais de ses représentants et les autorités dans les régions du nord. Mieux, sa présidente s’y rend avec une délégation. Elle prend contact avec les parties prenantes et attire leur attention sur l’ « irrégularité du mariage, » ; il est scellé contre l’avis de la fille qui est mineure. En effet, cette fille est mariée à un intime ami de son père, proche de la famille ; il aurait, semble-t-il un ascendant sur son beau-père. Pour y arriver, il a déboursé 100.000 MRU, soit une dot de 70000, un IPhone de 30000 MRU et un don de 50.000 MRU. Plus grave, le papa de la fille a fait réaliser un certificat de mariage sur une carte de la CNAM. Un acte que dénonce la présidente de l’ONDFF, car il s’agit d’un acte qui viole les textes réglementaires. Elle dénonce à cette occasion le non-respect des instructions du président de la République.
Après les différents contacts et entretiens avec les parents proches et la fille, cette dernière affirme n’avoir jamais accepté le mariage, que la liaison a été scellée par son père, sans son consentement ni l’accord de sa maman qui a fini par quitter la maison conjugale. Une thèse défendue par sa mère qui a fini par quitter Atar pour Nouadhibou afin de « sauver » sa fille. Après des négociations intenses conduites par la présidente de l’ONDFF pour trouver une solution à l’amiable, les deux parties sont parvenues à un accord consensuel sur la base d’un ‘’Khal3’’, terme arabe signifiant le remboursement immédiat de la somme réclamée par le soi-disant mari en contrepartie du divorce. Le père de la fille a accepté l’accord mais a demandé un délai n’excédant pas 3 mois pour rassembler le montant. Même si le mari a posté le lendemain une déclaration contradictoire sur sa page Facebook disant qu’il n’a jamais accepté cet accord, son grand frère et porte-parole qui est aussi un imam nous a confirmé aujourd’hui même que l’accord tient toujours, a déclaré Mehla Mint Ahmed.
La justice comme dernier recours
L'affaire poursuit son bonhomme de chemin et pourrait atterrir devant la justice car certaines personnes conseillent à la famille de faire appel à la décision du tribunal d’Atar qui fut à la base de l’établissement d’un acte de mariage en l’absence de sa fille et de sa mère. L’ONDFF a saisi les autorités compétentes pour demander une enquête sur le manque d’application de la loi sur la protection des enfants et le code de la Famille qui interdisent le mariage des mineurs à l’exception des cas de jurisprudence, ce qui aurait été permis par la fourniture de faux documents pour ‘’fonder ce mariage’’ qui ressemble fort à un "marchandage".
Face à des cas similaires, révélés dans le pays, la présidente de l'ONDFF déplore le manque de soutien de la société civile, des Oulémas et même de certaines institutions de l’Etat. Or, pour défendre et faire respecter leurs droits, les femmes doivent se mobiliser et bouger afin de peser sur les pouvoirs publics, estime-t-elle avant de souligner que la volonté politique du président de la République est claire mais il reste aux femmes d’agir. Elle regrette la persistance de certaines mentalités et traditions rétrogrades tendant à maintenir la femme dans l’ignorance de ses propres droits. Elles les invite à sortir de ce joug pour leur émancipation.
Répondant à une question du Calame sur pourquoi la loi sur la protection du genre peine à franchir le cap du parlement, la présidente de l’ONDFF fait observer que l’approche adoptée par les pouvoirs publics n’était pas bonne, que certains opposants en ont profité pour la faire bloquer, mais depuis, le texte qui se trouverait au ministère de la justice a été toiletté et on attend la suite. Mais pour qu’il puisse être adopté, il faut que les femmes et toute la société civile se mobilisent fortement. L’ONDFF y travaille, renseigne sa présidente.