Il y a quelques jours, le Premier ministre Moctar Ould Djay a supervisé le lancement des missions ministérielles en vue des « forums régionaux pour la planification participative du développement ». Dans la foulée, des ministres ont été envoyés dans les différentes régions où ils ont eu à présider lesdits forums. Le PM a expliqué aux missionnaires le pourquoi et les objectifs de ces rencontres. Il s’agit, a-t-il laissé entendre, d’un engagement du président de la République lors de la dernière campagne présidentielle. « Au cours de cette tournée », avait alors déclaré Mohamed El Ghazouani, « j’ai été témoin de la souffrance des citoyens en nombreuses wilayas, notamment la rareté de l’eau potable, l’absence ou la mauvaise qualité de l’électricité et des services de communication, l’isolement dû à des routes difficiles et le manque de conditions permettant d’exploiter les grandes opportunités économiques qui existent en de nombreuses régions, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Je suis revenu avec un inventaire de ces problèmes et, comme je l’ai dit aux citoyens que j’ai rencontrés, je veux leur assurer ce soir qu’aucune demande ne sera perdue ou négligée. »
Il s’agit donc de répondre aux doléances exprimées par les citoyens au cours des réunions des cadres et rencontres préélectorales, lieux privilégiés d’expression de promesses. Un gros challenge aujourd’hui pour le gouvernement. Les forums vont tabler sur « la question de l’unité nationale, de la cohésion sociale et de la lutte contre les comportements contraires aux valeurs républicaines et aux valeurs de la citoyenneté, notamment la dénonciation du factionnalisme et du sectarisme, qui ont toujours été l’une des constantes des discours du Président de la République, notamment lors de son récent discours à l’occasion de la 13ème édition du Festival des Cités du Patrimoine.
Approche timide
Mais pourquoi le gouvernement adopte-t-il cette nouvelle approche ? Les forums sont des moments d’échanges entre quatre murs et les coûteux besoins exprimés lors des visites de travail et au cours des audiences pendant la campagne électorale sont souvent différents, certaines doléances étant trop personnelles. Il s’y ajoute que le gouvernement dispose du bilan du premier mandat de l’actuel président de la République et que ses membres n’ont cessé de sillonner le pays, rencontrant moult acteurs politiques, économiques et la Société civile ; certes, ils ne les rencontrent pas tous et parlent plus souvent de politique que de développement.
Il semble au total que ces missions et forums sont venus comme pour acter l’échec de la politique de décentralisation et des mairies et des conseils régionaux, voire même de l’Administration et des services déconcentrés. Les mairies hier et les conseils régionaux aujourd’hui se plaignent toujours de ne pas disposer d’assez de moyens pour accomplir leur mission. Tout le travail que les missions ont effectué sur le terrain est censé être disponible auprès de l’Administration, des services déconcentrés et des élus. Chaque wilaya tient des conseils régionaux de développement (CRD) au cours desquels les doléances sont exprimées et les investissements répartis, les mairies disposent presque toutes de plans communaux de développement consignant les besoins de leur circonscription respective. Ils les utilisent non seulement pour plaider devant l’Administration mais également auprès des partenaires au développement.
Une autre grosse question qui taraude les observateurs et certains citoyens est de savoir si effectivement, comme l’a dit le Premier ministre, les missions ont pu, en quatre jours, recueillir les véritables préoccupations des citoyens dont la majorité, en tout cas dans la vallée, vivent dans les champs. Le gouvernement aurait été bien avisé en envoyant ses techniciens discuter directement avec les citoyens sur le terrain ; l’Administration, comme les élus politiques, ne remontent que très rarement les besoins des citoyens : école, santé, état-civil, foncier, conflit entre éleveurs et agriculteurs, électricité, eau, etc. L’approche participative invoquée reste très timide. On aurait pu faire l’économie du carburant et frais de mission en convoquant à Nouakchott les walis, préfets et chefs d’arrondissement, les élus et les services techniques. Dernière question enfin, la moisson concoctée sera-telle bien exploitée ou rangée dans les tiroirs ? Connaîtra-t-elle le même sort que les nombreuses doléances des citoyens soulevées lors de leurs rencontres avec le président de la République et les missions du gouvernement ou du parti INSAF ?
Dalay Lam