L’inscription de Samba Gueladio Diegui sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO constitue une avancée majeure pour la préservation et la reconnaissance de la culture peule et de la tradition orale ouest-africaine. Cette décision, adoptée lors de la réunion du Comité intergouvernemental à Asuncion (Paraguay), met en lumière la richesse et la profondeur de ce récit ancestral transmis de génération en génération.
Une histoire de courage et de cohésion
Originaire du Fuuta Tooro, ancien royaume des Peuls Denianké fondé au XVIᵉ siècle, Samba Gueladio Diegui est un héros légendaire incarnant des valeurs de courage, de résilience et de coexistence. Ce récit, profondément enraciné dans la mémoire collective des communautés peulophones de Mauritanie, du Sénégal, du Mali et de la Guinée, célèbre des exploits intemporels. Vibrant d’un symbolisme universel, il constitue une œuvre phare de la tradition orale, qui a su surmonter les défis liés à l’oralité et à la multiplicité des versions pour être consolidée en un texte unique.
Un acquis culturel et historique
Cette reconnaissance par l’UNESCO est le fruit d’efforts soutenus, initiés probablement par le regretté professeur Issagha Correra. Son travail pionnier, matérialisé dans un ouvrage bilingue en pulaar et en français, a été rendu possible grâce au soutien conjoint du gouvernement mauritanien et de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN). Ce travail a marqué une étape décisive dans la valorisation de l’épopée, s’inscrivant dans une dynamique plus large de sauvegarde du patrimoine immatériel, à l’instar des récentes inscriptions des mahadras et de la langue soninké.
Un héritage pluriculturel et historique
Les racines de Samba Gueladio Diegui plongent dans l’histoire du Tekrour, carrefour culturel où se côtoyaient Sérères, Wolofs, Soninkés, Malinkés et Maures. Cette diversité a permis à la tradition orale peule de s’épanouir, rivalisant avec les grandes civilisations ouest-africaines telles que l’empire du Ghana. Aujourd’hui encore, les chants, danses et musiques issus de cette épopée continuent de résonner dans les cœurs des Halpulaar, témoignant de la vitalité et de la pérennité de cet héritage.
Un patrimoine peu valorisé localement
Cependant, malgré cette reconnaissance internationale, de nombreuses voix s’élèvent pour souligner une carence : la méconnaissance de cette épopée par une grande partie des Mauritaniens. Cette lacune illustre une fracture culturelle entre les composantes de la société mauritanienne. Intégrer Samba Gueladio Diegui dans les programmes éducatifs et les initiatives culturelles locales apparaît essentiel pour renforcer l’unité nationale et valoriser les multiples identités du pays.
Un ouvrage mémorable
Malgré les défis que représente la compréhension d’un texte aussi dense, j’ai parcouru avec grand intérêt l’ouvrage Samba Gueladio, épopée peule du Fuuta Tooro, rédigé en pulaar par Amadou Kamara et traduit pour la première fois en français par Issagha Correra. Cet ouvrage est disponible dans les rayons dédiés au Sud mauritanien de la Bibliothèque mémoire de la Mauritanie et du Sahara, offrant ainsi une précieuse ressource pour ceux qui souhaitent explorer cet héritage inestimable.
L’inscription de Samba Gueladio Diegui sur la scène mondiale n’est pas une fin en soi, mais plutôt une opportunité de revitaliser ce patrimoine sur le plan national, pour qu’il devienne une source de fierté et un moteur d’inspiration pour toutes les générations mauritaniennes.
Ahmed Mahmoud Ahmedou dit Gemal