Selon une étude menée par RET international en Mauritanie, sous la supervision du HCR, dans le cadre du projet visant à mesurer les résultats holistiques d’apprentissage pour les personnes déplacées de force, des lacunes importantes ont été décelées dans les compétences de base chez les élèves. « La majorité d’entre eux n’est pas capable d’accomplir des tâches de base, telles que l’identification de lettres courantes et de nombres à un chiffre. Ils éprouvent des difficultés avec des tâches plus avancées/complexes qui devraient pourtant être maîtrisées à leur niveau scolaire. […] Dans l’ensemble, 17% des élèves ont atteint une fluidité de lecture et de compréhension. En numération, 22 % des élèves sont capables d’effectuer des additions et des soustractions à deux chiffres. »
L’étude été débattue lors d’un atelier de dissémination des résultats de l’évaluation des apprentissages dans les écoles du camp de réfugiés de Mberra, tenu le vendredi 6 Décembre à Nouakchott. Des cadres du ministère de l’Éducation nationale et de la réforme de l’enseignement, les représentants des bénéficiaires et les parties prenantes participaient à cette « rencontre d’échanges, de réflexion et de collaboration ». Selon le directeur-pays mauritanien de RET International, Robson Diais, l’étude visait à « évaluer les compétences fondamentales, identifier les résultats d’apprentissage et comparer les performances des élèves réfugiés et ceux des communautés d’accueil ». Et d’inviter les participants à proposer des actions concrètes pour couvrir le gap subsistant dans l’éducation, avant d’annoncer la tenue, en 2025, d’une rencontre-discussion approfondie sur l’application du plan d’action et la mesure de ses impacts.
Intervenant par vidéo-conférence depuis Bassiknou, le coordinateur des réfugiés maliens, Mohamed Ag Malhadi, a exprimé de son côté la reconnaissance des réfugiés envers leur pays d’accueil qui « tient avec fermeté à faire de son sol un cadre protecteur ». Mohamed Ag Malhadi a salué la décision du gouvernement d’intégrer les enfants réfugiés dans le curriculum d’enseignement mauritanien, exprimé son engagement total à se tenir au côté de celui-là et de ses partenaires et demandé la mise en place d’une stratégie d’accompagnement global.
Pour sa part, Eric Carter Kemegne, agent d’éducation associé, a réitéré l’engagement de l’UNHCR à garantir à chaque enfant le droit fondamental d’accéder à une éducation de qualité pour un avenir prometteur, afin de participer activement à la vie de la société. Il a plaidé pour une « approche pédagogique de renforcement du soutien nécessaire avec un focus sur la vulnérabilité ». Quant à Mahmoud El Ghadi, représentant du ministère de l’Éducation nationale, il a d’abord rappelé que le gouvernement mauritanien avait lancé, cette année, des plans de transition pour intégrer les enfants réfugiés dans le système éducatif national, avant d’insister sur la nécessité de mobiliser des ressources appropriées pour une telle éducation de qualité et faire face au récent afflux massif de dix mille réfugiés (huit mille au camp de Mberra et deux mille dans les grandes villes).
Vulnérabilité
Les indicateurs d’éducation reflètent des défis liés aux niveaux élevés de vulnérabilité des réfugiés, avec, notamment, « des taux de pauvreté s’élevant à près du double de la moyenne nationale et des taux d’emploi a contrario nettement inférieurs », estimait le HCR en 2023. Les taux bruts de scolarisation sont de 34% pour le Primaire et de 7% pour le Secondaire. Soit, souligne le HCR, « une forte proportion d’enfants réfugiés non scolarisés ».
À Mberra, 7780 élèves au Primaire et 561 élèves au Secondaire ont été inscrits dans les huit écoles du camp au cours de l’année scolaire 2023-2024. Les enfants en âge de scolarisation primaire et secondaire représentent environ 41% de la population totale du camp (81.000 personnes). Les écoles suivent le programme malien enseigné en français, sous la conduite d’un personnel éducatif incluant des enseignants réfugiés recrutés dans le camp. Présentée par Jeff Marshall, consultant, et madame Émiko Nako, du bureau UNHCR-Genève, l’étude a révélé que les « élèves de sixième année ont constamment surpassé leurs pairs de quatrième année ». Ce qui indique une certaine progression de l’apprentissage. Mais les résultats holistiques ont mis en évidence des écarts importants par rapport aux attentes du niveau scolaire. Notamment, les enfants ayant des livres à la maison avaient tendance à obtenir de meilleurs résultats en littérature.
Selon l’étude, les élèves du camp sont confrontés à d’importants obstacles à l’éducation, tant du côté de la demande que de l’offre. « Du côté de la demande, des facteurs tels que la pauvreté, les attitudes culturelles à l’égard de l’éducation et les impacts psychologiques du déplacement contribuent aux faibles taux de scolarisation et aux taux élevés d’abandon scolaire. Du côté de l’offre, les résultats mettent en évidence les freins à l’éducation, notamment les classes surpeuplées, le nombre insuffisant et le manque de qualification des enseignants et des équipements. Les contraintes en matière d’infrastructures et de ressources sont particulièrement prononcées et l’insuffisance du matériel pédagogique aggrave le problème. »
Pour relever ces défis, le rapport propose un renforcement de l’infrastructure par le biais d’une modernisation des installations scolaires pour réduire la surpopulation et améliorer l’environnement d’apprentissage. Il est recommandé d’améliorer la formation des enseignants avec augmentation du taux de certification et d’offrir un développement professionnel continu. Il faut également intégrer le soutien psychosocial dans le programme d’étude, pour traiter les traumatismes vécus par les enfants déplacés ; promouvoir l’engagement des parents pour « encourager l’inscription et la rétention » ; et adopter, enfin, des politiques inclusives tendant à « soutenir la transition vers l’intégration des élèves réfugiés dans le système éducatif mauritanien », a souligné madame Cirenia Chavez (UNHCR-Genève).
« Bien que des progrès aient été réalisés, les résultats soulignent le besoin urgent d’interventions ciblées pour s’attaquer aux déficits de compétences fondamentales et aux obstacles systémiques. En s’appuyant sur les données de l’étude, les parties prenantes peuvent mettre en œuvre des politiques et des programmes qui améliorent l’accès à une éducation de qualité, permettant ainsi aux apprenants déplacés de réaliser leur plein potentiel. »
THIAM Mamadou