L’arbre qui cache la forêt ?

26 February, 2015 - 00:45

Depuis quelques mois, les scandales se suivent à la chaîne, dans les administrations nationales. Au moins une dizaine de percepteurs relevant du ministère des Finances se sont vus infliger des mises en demeure, afin de restituer un montant qui dépasse, au total, plusieurs milliards d’ouguiyas dilapidées des caisses publiques. En attendant, ces fonctionnaires indélicats croupissent en prison. A leur suite, quatre employés de la SOMELEC – le chef du service comptabilité et trois caissiers – doivent restituer quelque huit cent millions d’ouguiyas extorqués illégalement des comptes de la société. Puis c’est au tour des responsables de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de reverser trente millions d’ouguiyas qui auraient été dépensés sans raison, selon le rapport de la Cour des Comptes. Puis voilà une mise en demeure adressée au responsable d’un projet du ministère de l’Agriculture, pour rendre onze millions au Trésor public. De sources proches des organes de contrôle, d’autres têtes devraient tomber, incessamment, dans cette vaste recherche des prédateurs. La moisson contribuera certainement à renflouer les caisses de l’Etat durement éprouvées par une conjoncture internationale particulièrement difficile. Les négociations de la convention de pêche avec l’Union Européenne marquent encore le pas. Les prix du fer continuent à flancher dangereusement. Malgré les versions officielles, les recettes douanières et fiscales ne sont pas si bonnes que cela. La gestion « passable » – Euphémisme, euphémisme, quand tu nous tiens ! – depuis, au moins, six à sept ans, de la BCM commence à se ressentir sur l’économie du pays. Les tensions sociales, dont la grève de la plus grande société nationale, n’en sont qu’une manifestation. Mais pourquoi la Cour des comptes et l’IGE ne débarquent-elles pas à la SNIM, pour élucider le fonctionnement de ses comptes ? Quels sont les justificatifs des cent millions de dollars que cette société a « généreusement » débloqués, pour l’achat d’avions militaires (cinquante millions) et un prêt à la société Nejah qui construit le nouvel aéroport de Nouakchott (cinquante millions) ? A qui échoient ses juteux marchés et dans quelles conditions ? Quels sont les domaines d’intervention de sa pompeuse fondation et quels en sont les véritables manipulateurs ? Quelles sont les raisons de la faillite de sa filiale ATTM ? Pourquoi les organes nationaux de contrôle ne s’intéressent-ils pas à la gestion de grandes institutions publiques, comme l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS), la BCM, la SOMELEC, les ports de Nouakchott et de Nouadhibou et bien d’autres établissements publics, comme les grands projets d’électrification de la ville de Chami ou celui de reconstruction de la ville de Tintane ? Autant de questions que bon nombre de Mauritaniens se posent, aujourd’hui… S’il est impossible d’aller jeter un coup d’œil (raison d’Etat, bien sûr…) du côté des militaires, il est peut-être temps que la gestion des deux chambres du Parlement fassent l’objet d’un audit, afin que ces administrations puissent être citées, peut-être (tout est possible), en exemples de probité et de sobriété. Les Mauritaniens ont le droit de connaître le sort de chaque ouguiya de leur économie nationale. S’en prendre aux petits caissiers de Rosso, de Sélibabi, de Kiffa et d’Akjoujt et laisser faire, impunément, les gros administrateurs qui brassent des milliards n’est pas juste. La Mauritanienne (TV nationale), l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI), la Radio-Mauritanie, la SONIMEX, Iskan et beaucoup d’autres doivent justifier, clairement, la liquidation, parfois impitoyable, des milliards qu’ils ont reçus ces dernières années. La Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN), les mairies des neuf moughataas, les hôpitaux nationaux, les écoles normales et d’administration sont des institutions publiques qui doivent, elles aussi, répondre de leur gestion. Des rapports détaillés doivent être rendus publics. Ni la tribu, ni la communauté, ni l’allégeance politique ne doivent prémunir contre cet assainissement. Alors et à ce moment-là seulement, la lutte contre la gabegie aura un sens et ne sera plus, comme elle l’a été jusque-là, qu’un slogan de propagande politique ou une épée de Damoclès pendue au-dessus la tête de probables « perturbateurs », afin qu’ils restent sages et laissent faire les thuriféraires du système permissif de la Mauritanie nouvelle.

Sneïba El Kory