Toute la semaine dernière, la presse, aussi bien écrite qu’électronique, en a fait ses choux gras. Le président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) « a été sommé de rembourser 30 millions d’ouguiyas au Trésor public, suite à un contrôle de l’Inspection Générale d’État (IGE) », pouvait-on lire un peu partout. Mais, renseignement pris, il y aurait à redire. D’abord, la CENI ne peut être contrôlée, conformément aux textes, que par la Cour des Comptes. Ce qui a été fait au cours des dernières semaines. Les limiers de cette institution ont épluché des milliers de dossiers et vérifié, à l’ouguiya près, les milliards injectés dans cette structure chargée d’organiser les élections. Et ils n’ont rien trouvé, sauf à constater que les sept sages de la Commission, ainsi que son secrétaire général, ont bénéficié de frais d’ameublement et de carburant, soit trente millions quatre cent mille ouguiyas en tout. Partant du fait qu’ils ont rang de ministres et qu’ils sont, donc, traités comme tous ceux qui occupent les plus hautes fonctions de la République, à l’instar des présidents du Conseil économique et social ou du Conseil Constitutionnel, par exemple, ils avaient droit à l’ameublement et au carburant. L’article 10 de la loi organique 2012-027 portant institution de la Commision stipule en effet qu’’’au titre de leurs fonctions, le président et les membres du comité directeur de la CENI reçoivent respectivement des émoluments fixés par décret, en référence aux traitements afférents aux présidents et aux membres des institutions supérieures de l’Etat’’. C’est, selon eux, en toute bonne foi qu’ils se sont octroyé ces indemnités.
En plus, le budget 2013 que la Cour des Comptes a contrôlé a été approuvé et notifié par le ministère des Finances. Il prévoyait 25 millions de carburant dont seulement 6.4 ont effectivement été consommés pour le fonctionnement durant toute cette année là et aucun membre du comité des sages n’en a reçu un carnet. Il était également prévu dans ce budget 24 millions pour l’ameublement. Négligeant ce constat, la Cour des Comptes fait une première observation, avant d’adresser une mise en demeure au président, en tant qu’ordonnateur du budget, de rembourser le montant en question. Pourtant, si on se refère à la loi 9319 du 26 janvier 1993 relative à la Cour des comptes, il n’est nullement mention de mise en demeure. Selon l’article 33 de ladite loi, ‘’sont justiciables de la Cour des comptes et passibles d'amende pour les fautes de gestion mises à leur charge’’, les fonctionnaires et agents de l'Etat ou de tout autre organisme public ; les représentants , administrateurs et agents de tout organisme soumis au contrôle de la cour , coupables ‘’d'octroi ou de tentative d'octroi à soi-même ou à autrui d'un avantage injustifié, en argent ou en nature, entraînant un préjudice pour un organisme public ou pour tout autre organisme soumis au contrôle de la Cour des comptes.’’ Que prévoit alors la loi dans ce cas ? L’article 34 est on ne peut plus explicite : ‘’L'amende encourue dans les cas prévus à l'article précédent (33) ne peut être inférieure à 50.000 UM, ni supérieure au double du traitement ou salaire brut annuel alloué à l'auteur de l'infraction au moment des faits.’’
Malgré tout, les sept membres de la commission et le secrétaire général versent chacun trois millions huit cent mille ouguiyas. Le montant global est déposé au Trésor, contre reçu. Mais, interloqués par cette mise en demeure qu’ils n’arrivent toujours pas à s’expliquer, les sept sages sont en train d’étudier les voies et moyens d’y faire appel et laver, ainsi, leur honneur. Affaire à suivre…