Ou tout simplement: « Rraba wa eliichrine »
Un autre paradoxe a marqué la politique de Ould Haidalla. Malgré l’ampleur de l’aide internationale dont avait profité notre pays dans le cadre de la lutte contre la sécheresse, au plan politique et surtout économique, le gouvernement de Ould Haidalla a bénéficié de peu de soutien au niveau extérieur. On pourrait bien se demander pourquoi la Mauritanie de Haidalla n’a pas réussi à trouver un terrain d’entente avec les institutions financières internationales, notamment la Banque Mondiale et le FMI? J’ignorais franchement les raisons.
C’était comme embargo
Je soupçonne que le gouvernement français, favorable au Maroc et à l’ancien régime de Mokhtar Ould Daddah, y serait pour quelque chose. Avec un peu de recul, je me demande également pourquoi le gouvernement mauritanien de l’époque n’a pas réussi à trouver un soutien consistant de rechange chez les pays de l’Est, le bloc socialiste, encore débout et fortement présent sur la scène internationale et toujours prêt à profiter des erreurs du camp occidental ?
Des exploits difficilement contestables
A l’époque, l’homme fort de la Mauritanie refusait toujours d’être cloué au mur. Durant la guerre du Sahara, il s’était particulièrement distingué dans ses interventions osées, rapides et efficaces contre ses cousins du Polisario. Aucun autre officier n’osait l’égaler sur ce terrain. Le Khalife Omar Ibn Elkhattab était connu pour son audace dans la défense de l’Islam comme il l’était dans son combat avant sa conversion ! ». On dit que comparaison n’est pas raison. Mais on peut tout de même se permettre de reconnaître à Mohamed Khouna Ould Haidalla que, durant la guerre du Sahara, il avait fait preuve d’un courage exceptionnel, reconnu même par ses nombreux et fanatiques adversaires, en dépit des tentatives de ces derniers, en s’adonnant depuis, à des analyses tordues, sans succès, pour minimiser l’exploit de Haidalla dans la guerre.
Il fallait lui reconnaître qu’il avait fait preuve également du même courage et de la même audace pour l’acquisition de la paix.
Une opinion blasphématoire
Je sais que dire du bien de Haidalla constitue toujours un blasphème aux yeux d’une certaine opinion qui se voulait mieux avertie. Je respecte cette opinion. A mon tour, je demande à ses adeptes de respecter « ce que je pense » très honnêtement jusqu’à preuve du contraire.
Donc je continue à dérouler ce que je crois être les bonnes actions du régime de Haidalla. Ici il y’a lieu de rappeler que je fais partie de ceux qui n’en ont tiré aucun profit.
Durant cette longue période de grande sécheresse, trouver une parade permettant de compenser, au moins en partie, le rôle des institutions internationales, n’était pas chose facile. Pourtant, en se creusant les méninges quelqu’un a réussi à accoucher d’une découverte des plus ingénieuses: le volontariat.
Défier l’embargo par le volontariat
Le volontariat ou le travail volontaire a marqué la période Haidalla. Durant des années successives, des milliers de Mauritaniens étaient mobilisés du matin au soir pour réaliser des œuvres grandioses. Tous, à commencer par le chef de l’Etat, en passant par les responsables civils et militaires, jusqu’au mauritanien lambda, prenaient part à des travaux d’utilité publique, souvent sous le soleil ardent ou dans le froid glacial.
Des dizaines d’écoles étaient construites. De nombreuses routes et pistes étaient dégagées et d’autres améliorées. Des barrages étaient édifiés en l’espace de quelques jours. Des campagnes de nettoyage ou de distribution de vivres ou de soins gratuits étaient menées un peu partout dans le pays. Ce ne sont ici que quelques exemples. Dans ces campagnes, la présence des autorités fut loin d’être symbolique. Fidèles à leur chef, le président Haidalla, et souvent par crainte de celui-ci, elles donnaient effectivement l’exemple par leur ponctualité et par leur discipline.
Des témoignages oculaires
En 1981, à Atar, je me rappelle qu’en l’espace d’un week-end, nous avons achevé la construction d’une école de 6 classes dans le quartier de Kenawal. Un autre week-end, nous avons reconstruit le barrage d’Amder au nord de la ville d’Atar. Au cours de ces grands travaux, des citoyens donnaient généreusement du matériel de construction, d’autres prêtaient leurs instruments et d’autres mettaient leur technicité à la disposition des volontaires. Tous donnaient leurs bras valides. D’autres offraient des bêtes de somme et une grande quantité de mets et de boissons divers et variés.
«Rraba wa elichriine»
A Nouakchott, l’un des repères les plus populaires est le carrefour baptisé depuis « Raabé welichrine » ou « La Rue ou le carrefour 24 ». Rares sont les usagers de cette place qui savaient sa réelle signification. Il s’agissait du 24 avril, probablement en 1981. Ce jour-là, le chef de l’Etat, Mohamed Khouna Ould Haidalla, au milieu d’une foule nombreuse, inaugura le dégagement de cette route si sablonneuse alors, désenclavant ainsi un quartier populaire (kebba ou bidonville), situé dans l’emplacement actuel de l’hôpital Zaid. Cette expérience originale du volontariat chez nous mérite une réflexion plus approfondie.
Des aspects comparables
Tout près de nous, elle était comparable, dans bien des aspects, à l’action de Thomas Sankara au Burkina Faso, bien que l’action de Haidalla ait précédé celle de ce dernier de quelques années. Une autre différence de taille: Thomas Sankara inscrivait son action dans une dynamique révolutionnaire globale et originale, alors que Ould Haidalla fut plutôt motivé à mener des actions dictées par un contexte purement national.
Les deux expériences partageaient également un autre trait commun: le défi des institutions financières internationales et des pays occidentaux qui se servaient de ces institutions comme moyens de pression visant à dicter leurs conditions « impérialistes » aux pays en voie de développement. D’ailleurs tout indiquait que la mise sur pied de ces institutions internationales, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, visait essentiellement à garantir aux puissances impérialistes, colonialistes à l’époque, leurs intérêts fondamentaux par une législation mondialement acceptée et réglementée tout en leur assurant la paix entre elles. En Occident, on craignait que les deux expériences servent d’exemple aux autres pays semblables. C’est pourquoi leur mise en échec aurait été un objectif stratégique de la plus haute importance. L’hostilité interne à Ould Haidalla serait logiquement alimentée et entretenue par ces milieux occidentaux, toujours très sensibles à toute action inspirée par une volonté de changement autonome.
(À suivre)