Le rôle des media : quel avenir ?

8 October, 2024 - 17:22

Les media constituent le quatrième pouvoir de la République. Leur pluralisme et leur indépendance sont des indicateurs de la santé d’une démocratie dont les libertés civiles constituent le socle, avec, parmi elles, la liberté d’expression et la présence assurée de supports imprimés et électroniques non assujettis aux autres pouvoirs. Outre leur rôle de contre-pouvoir, les media jouent celui d’éducateurs et contribuent à améliorer la qualité de la littéraire politique. Il s’agit de répondre au droit de tous les citoyennes et citoyens d’être informés adéquatement des enjeux d’intérêt public. Mais cette adéquation est gênée par le flux croissant de fausses nouvelles et l’influence croissante de leaders d’opinion qui occupent la place publique. Dans ce contexte, réfléchir à ces enjeux est primordial pour s’assurer de l’avenir des media.

 

Enjeux et défis

La contribution des media à la consolidation de la démocratie et de l’État de droit est entravée par une série de contraintes qui relèvent à la fois de leur organisation interne et du contexte externe. Les conditions de production et l’environnement (juridique, économique, politique et professionnel) influencent non seulement la qualité des contenus écrits ou audiovisuels mais aussi la sélection même des informations, reflétant la vocation que s’assignent les propriétaires des organes de presse, journalistes et animateurs.

Six enjeux me paraissent cruciaux pour l’évolution du secteur : la professionnalisation de ses acteurs ; la qualité des contenus ; l’organisation, la réglementation et le respect des normes ; la viabilité et l’indépendance des entreprises médiatiques ; l’information de « service public » durable ; l’appui des bailleurs de fonds. Car, si la promotion des media et la santé de la démocratie sont intrinsèquement liées, elles ont été toutes deux profondément touchées par les changements engendrés par la mondialisation et les nouvelles technologies. Les media ont été à la fois avantagés et affaiblis par cette révolution. Bien que les organes de presse peuvent maintenant toucher des milliers, voire millions, de consommateurs avides de nouvelles informations, cette même transformation technologique a menacé les anciens modèles d’affaires et suscité une diminution des canaux diffusant de l’information exacte. Dans la foulée de ces changements, des acteurs antidémocratiques et malveillants n’ont pas tardé à profiter des occasions engendrées par ces importantes transformations.

Des régimes autoritaires ont activement profité du nouveau paysage médiatique lance, en Mauritanie, au début des années 90, pour propager de la désinformation, alimenter la polarisation et exploiter les vulnérabilités de notre système démocratique. Alors que, des années durant, la corrélation positive et intrinsèque entre les media et la démocratie semblait aller de soi, les campagnes de désinformation qui supplantent l’information crédible, ainsi que d’autres techniques de manipulation, sont devenues des menaces importantes pour la liberté d’expression.

 

Repenser la relation entre le pouvoir des citoyens et les media

Idéalement, les media indépendants ont à favoriser la responsabilité, la transparence, la participation et l’inclusion des citoyens dans les processus démocratiques. Diffusant des nouvelles exactes et crédibles, ils facilitent des discussions et des débats publics éclairés, demandent des comptes au pouvoir et protègent l’intérêt public. L’environnement démocratique ouvert et responsable ainsi favorisé contribue inversement à la santé et à la liberté à long terme du secteur journalistique : fondement du développement équitable.

Bien que ce cercle vertueux ait pu être idéalisé, même les postulats de base de cette relation entre le pouvoir du peuple et les media sont maintenant remis en question. Un certain nombre de changements systémiques interreliés sur la scène nationale – d’ordre social, économique, politique, technologique, etc. – ont eu des répercussions importantes sur le fonctionnement des media. Le changement le plus fondamental est la révolution informatique. Comme dit tantôt, les nouvelles plateformes technologiques ont certes permis aux organes de presse d’atteindre de nouveaux consommateurs d’information mais cette même transformation technologique a complètement altéré les anciens modèles publicitaires, et donc l’assise financière qui soutenait par le passé de nombreuses formes de media indépendants. Les canaux médiatiques ont eux-mêmes été démocratisés, permettant ainsi une vaste participation citoyenne dans l’élaboration et l’échange des nouvelles. Ce changement rapide a entraîné l’apparition de nouveaux modèles de communication à origines et destinations multiples, bouleversant le rôle des media traditionnels. Au début des années 90, on présenta ce changement comme l’arrivée d’une nouvelle ère de participation et de discussion publiques qui renforceraient la démocratie.

Vingt-cinq ans plus tard, les appels se multiplient en faveur d’une plus grande réglementation du domaine de l’information. Si l’on comprend que la réglementation des contenus par le gouvernement est une question éminemment épineuse, on doit cependant considérer la nécessité de prendre tout un éventail de mesures, actualisant notamment les protections hors ligne, favorisant le choix de l’utilisateur et élargissant la diffusion des nouvelles crédibles et indépendantes. Certaines des initiatives les plus encourageantes sont d’ailleurs prises par la Société civile elle-même.

On perçoit ainsi que tous les intervenants devraient d’abord s’entendre sur un plan d’action visant à poser des normes également applicables aux consommateurs et aux producteurs du domaine de l’information, en mettant à profit les pratiques de comportement responsable des associations professionnelles, des organismes du secteur et d’autres intervenants. Finalement, même si la nécessité d’élaborer un plan ambitieux est un point sur lequel il devrait être facile de parvenir à un consensus, il demeure difficile de cerner les types d’efforts qui sont les plus porteurs, et ce, en quelles situations et mesure…

 

Cheikh Ahmed ould Mohamed

Ingénieur

Chef du service « Études et développement »

Établissement portuaire de la Baie du repos (Nouadhibou)