Biram, Djiby et Brahim en grève de la faim: Les ONG des droits de l’Homme sonnent la mobilisation

24 February, 2015 - 11:38

C’est à la prison d'Aleg, où ils ont été transférés, quelques heures après leur condamnation, en janvier dernier, par la Cour correctionnelle de Rosso, à deux ans de prison ferme, que Biram Dah Abeïd, Djiby Sow et Brahim Bilal Ramdhane ont entamé une grève de la faim illimitée, lundi, à l'expiration de l'ultimatum lancé aux autorités appelées à se pencher sur leurs doléances. Ils leur avaient, en effet, adressé un courrier, le 12 Février dernier, protestant, explique IRA, « contre les mauvais traitements, les abus qu’ils subissent, depuis leur arrivée à la prison d’Aleg, et les conditions sordides où ils se trouvent, qui ne sont pas en conformité avec leurs statuts de militants chevronnés et dirigeants couronnés par les plus grandes organisations internationales des droits de l'Homme ».

Les trois détenus se disent prêts à « sacrifier leur propre vie, si l’on ne met fin à ces  violations de nos droits légitimes. Nous voulons notre réintégration dans notre juridiction respective d’origine, à savoir Nouakchott et Rosso, le rétablissement de nos droits à la visite de nos proches [droits suspendus par ordre du procureur, quelques jours avant cette lettre-NDLR] et la programmation des procès de nos frères injustement et abusivement détenus dans les prisons de Nouakchott ».

En solidarité avec les prisonniers, IRA a décidé d’organiser une série de manifestions et d’intensifier ses activités pacifiques. A Nouakchott, ses militants, épaulés par nombre de membres d’autres organisations de défense des droits humains, se sont rassemblés devant le ministère de la Justice, pour dénoncer l’attitude des autorités judiciaires qui traînent à transférer le dossier des condamnés toujours en « souffrance » à Rosso. Rappelons qu’en dépit de l’appel interjeté par le collectif de la défense, le pouvoir judiciaire avait décidé de transférer les condamnés à la prison civile d’Aleg qui ne dépend pourtant pas de la Cour d’appel de Nouakchott. « Cette prison est particulière », s’émeut Balla Touré, secrétaire aux relations extérieures d’IRA, « elle est éloignée de la ville, c’est une sorte de bagne, avec [depuis quelques jours NDR] interdiction de visite, et les prisonniers d’opinion sont tenus à l’isolement total, dans une pièce aménagée spécialement. Biram, Djiby Sow et Brahim Bilal n’ont pas accès à la promenade quotidienne à laquelle ont droit les autres prisonniers ».

Balla appelle les militants de son organisation et tous ceux des droits humains à occuper le terrain, dans une démarche pacifique, continuer à œuvrer, sans relâche, avant de demander le soutien de tous les Mauritaniens. La présidente de l’Association des Femmes Cheffes de Famille, Aminetou mint Mokhtar, soutient que le transfert des trois détenus de Rosso à Aleg constitue une « violation flagrante de la loi. Les détenus ont leur famille à Nouakchott », fait-elle remarquer, « ils devraient être placés dans leur circonscription judiciaire, auprès de leurs familles, conformément aux conventions internationales ratifiées par la Mauritanie […] Cette attitude ne sert pas la paix sociale. […] Les procès de Rosso et de Nouakchott démontrent la volonté manifeste d’emprisonner les militants abolitionnistes ». Et d’exprimer sa « solidarité avec le groupe des détenus », avant d’exiger leur relaxe immédiate.

Même son de cloche du côté de Boubacar ould Messaoud. « Nous avons suivi tout ce qui se passe. Nous ne sommes pas convaincus des charges retenues contre Biram et ses amis. Beaucoup de droits sont violés. Il y a des inégalités, dans toutes les communautés de Mauritanie. Mais, quand il y a racisme, il faut le dénoncer. Biram et ses amis menaient une action avec neuf négro-africains. Que ces derniers soient libres et que seuls Biram et ses amis soient jugés et emprisonnés, ça n’a aucune justification. On veut montrer que les Haratines sont un danger pour la Mauritanie. C’est totalement faux. Les Haratines n’en constituent aucun. Ils cherchent la justice et l’équité. Ils croient à la citoyenneté, le seul statut qui puisse assurer la quiétude. Mais que le tribalisme et autres archaïsmes perdurent,  les gens se taisent sur ça. Le gouvernement et la justice doivent y réfléchir ».

Le président de SOS-Esclaves rappelle l’affaire Saïd et Yarg, où les actions de Biram et de ses amis obligèrent à condamner un des maîtres à deux ans de prison, un minimum, bien en deçà des peines prévues dans ce genre de crime [l’article 48 du Code pénal en prévoit, en effet, au minimum cinq (NDR)]. Et Ould Hassène n’en a fait que quelque mois à peine, avant de bénéficier d’une liberté provisoire ! « Pourquoi Biram et ses amis n’en bénéficient pas ? », interroge Boubacar ould Messaoud. « La charge retenue contre Biram l’exposait à une peine courant de six mois à deux ans. Il fut, finalement, condamné à deux ans ! Le maximum. C’est du racisme ! La loi doit valoir pour tout le monde ! ». Et le président de SOS-esclaves d’ajouter : « La détention de Djiby Sow est d’autant plus illégale qu’il bénéficiait de la liberté conditionnelle et que le juge n’avait pas émis de mandat de dépôt à son encontre, avant le prononcé du jugement. C’est une autre grave violation de la loi ».

Souhaitant une application des textes juridiques réprimant l’esclavage, le président du Réseau Paix Sans Frontières, Sidi Mohamed ould Barar, a estimé que la Mauritanie traverse une période difficile. « L’esclavage se manifeste de différentes manières. Le combat contre ce fléau doit être mené jusqu’au bout. Nous devons attirer l’attention de la Communauté internationale. Le péril est en la demeure, la minorité à la tête du pouvoir est décidée à éliminer tous les militants haratines ». Selon lui, le problème de l’unité nationale est en jeu. Et d’appeler à la libération immédiate de Biram et des autres détenus.

Synthèse Thiam Mamadou