Le Premier ministre Moctar Diay a présenté, le 4 Septembre, sa politique générale devant l’Assemblée nationale. Un premier test très attendu par l’opinion mauritanienne. Il a commencé par dresser un diagnostic plutôt sans complaisance des différents secteurs de l’administration du pays et énoncé quelques remèdes pour les maux qui gangrènent notre pays : corruption, injustices, inégalités… Comme on s’y attendait, il a rappelé la volonté du président de la République d’exécuter ses engagements électoraux.
Forte d’une trentaine de pages, la déclaration du Premier ministre s’organise autour de deux principaux volets. Le premier concerne l’ancrage de la démocratie et l’État de droit, avec l’annonce de prochaines mesures pour renforcer l’indépendance de la justice et le respect des droits des citoyens. La Mauritanie n’a pas de problème de textes, d’importants arsenaux sont disponibles mais ne sont que très rarement utilisés, ce que les défenseurs des droits de l’Homme ne cessent de dénoncer.
Le second volet se focalise sur la construction d’infrastructures et la mise en place de projets structurants, avec vocation d’améliorer les conditions de vie des populations. Plus de routes, donc, d’échangeurs et même ouverture de tramways mais de telles entreprises n’en sont pas moins, comme tout le monde le sait, sources de corruption et de malversations, notamment à travers l’attribution des marchés. L’accomplissement de ces objectifs reste donc suspendu à l’efficacité des soins prodigués aux maux susdits…
De meilleures conditions de vie ?
Améliorer les conditions de vie des citoyens passe nécessairement par la lutte contre l’inflation et la hausse continue des prix des denrées de première nécessité. Le gouvernement a donc décidé, en collaboration avec la Fédération du commerce, de diminuer – sinon, à tout moins maintenir – les prix à un niveau « acceptable ». Reste à voir cette mesure se traduire dans les faits : nos commerçants ont la fâcheuse habitude de faire valser les étiquettes à leur guise, tandis que les consommateurs semblent craindre ou juger vain de les dénoncer, jugeant laxistes ou corrompues les autorités auprès desquelles ils se plaignent. Bref, cette louable décision de contrôler les prix reste suspendue à de nombreuses incertitudes. Par le passé, elle a toujours échoué, les boutiques EMEL et les différents programmes de lutte contre la flambée des prix sont là pour en témoigner. Espérons tout simplement que les commerçants ne retirent d’une main ce qu’ils donné de l’autre.
Autre annonce, la réduction des tarifs de l’eau et de l’électricité. Deux produits qui peinent, en dépit des milliards injectés, à répondre à leur mission, victimes qu’elles sont, elles aussi, de la corruption et du népotisme… Le Premier ministre également annoncé de grandes évolutions dans les domaines de l’éducation et de la santé. Deux secteurs dont le fonctionnement est largement décrié par les citoyens. Nous disposons de structures de santé et d’enseignement mais elles sont très mal exploitées, leur personnel mal réparti, sans parler de la médiocrité de certains de ses membres.
Des réformes politiques ?
Au-delà d’actions dans quasiment tous les secteurs de l’Administration, le Premier ministre préconise de grandes réformes politiques – un vrai catalogue de bonnes intentions… – ce qui devrait passer par un dialogue inclusif susceptible de conduire à réviser le découpage électoral et la loi sur les partis politiques, vieilles revendications des acteurs de l’opposition, en particulier. Mais il a quasiment passé sous silence le dossier du « passif humanitaire » qui pèse encore lourdement, comme l’esclavage et ses séquelles, sur le vivre ensemble en Mauritanie. Le renforcement de l’unité nationale ne peut se faire sans trouver une solution à cette question de mort d’hommes derrière lequel courent, depuis trente ans, nombre de veuves, orphelins et rescapés. Le professeur Gourmo Lo a même parlé de recul par rapport aux engagements contenus dans le Pacte républicain signé entre son parti l’UFP, le RFD et l’INSAF. Il faut aussi noter que le PM n’a pas évoqué l’introduction à l’école des langues nationales pulaar, soninké et wolof au cours de la prochaine année scolaire. Une expérimentation qui, de l’avis des locuteurs de ces langues ne se justifie point, sinon pour retarder leur officialisation…
Outre la vérité sur ce qu’on appelle les « évènements » de 86–90, les associations de défense des victimes appellent au devoir de mémoire, de justice et, éventuellement, de réparations, pour que pareilles exactions ne se répètent jamais plus en Mauritanie… On se souvient ici que le président de la République avait pris l’engagement, au lendemain de son élection en 2019, de trouver une solution consensuelle avec les organisations représentatives des victimes mais le dossier est toujours, cinq ans plus tard, dans les tiroirs du Commissariat aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire et à la Société civile. Dans leur dernière réunion, ces associations ont rappelé aux autorités qu’elles ont fini de boucler leur dossier et attendent la décision du gouvernement. S’éternisera-t-elle, cette attente ? À chaque fois que les victimes ont cru approcher de la fin du tunnel, les espoirs se sont envolés. Comme une arlésienne… maîtresse d’Ould Diay comme de ces prédécesseurs, faut-il présumer ?
Dalay Lam