Un homme avait trois fils et se préoccupait de leur avenir. Il eut l'idée de leur passer un test, en vue d'évaluer leur potentiel de réaction et d'adaptation face aux vicissitudes de la vie.
Le père plante un pieu sur la piste menant à l'enclos du bétail. La nuit venue, il dit au premier fils de traire les laitières, une opération de plusieurs va-et-vient. A l'aller, le jeune bute sur le piquet et se relève. Il localise l'emplacement et prend soin de le contourner par la suite.
La nuit suivante, le deuxième fils s'engage vivement, heurte le pieu et s'écroule. Il le cogne encore au retour, emportant dans sa chute le bol de lait. Il continue ainsi jusqu'à la fin. A son tour, le troisième fils tombe sur le piquet. Il revient prestement, happe une hache et se met à dégager l'embûche, libérant le passage une fois pour toutes.
La tentation est grande de soumettre les pouvoirs publics à un exercice pareil, avec l'hivernage dans le rôle du piquet. La saison des pluies est devenue pour ces services une source de défis majeurs et il serait intéressant d'évaluer comment ils y font face, à la lumière du comportement des trois frères.
Chaque année, aux premières averses, les rues de Nouakchott et ses espaces sont inondés, bloquant la circulation et rendant l'air irrespirable. Les projets modernes de voirie semblent avoir été abandonnés et ce sont les camions citernes de l'Office de l'Assainissement qui ont pris en main l'évacuation des eaux. Ils effectuent des pompages ici et là, selon la sensibilité de l'endroit, et comptent pour le reste sur le soleil et l'harmattan.
Pluie, source d’angoisse
A la surface, les mares ne désemplissent pas, au grand bonheur des moustiques, et en dessous les tuyaux de la SNDE sont à sec, au grand dam des abonnés. Les habitants ne savent plus où donner de la tête, devant l'envolée des prix à la citerne à cinq mille ouguiyas la tonne.
Nouakchott a soif, parce qu’il a plu abondamment en amont du fleuve Sénégal et le long de son cours. Paradoxal, sans rapport apparent, mais réel, paraît-il. Selon des experts, les flots se déversent dans le fleuve charriant des eaux à forte teneur boueuse qui s'introduisent dans les installations de captage de l'Aftout Sahli et les détraquent durablement. Pour eux, cette situation est évitable, si des travaux sérieux d'entretien sont effectués périodiquement.
Lors d'une précédente crise similaire, le président de la République avait visité le site en question et donné des instructions pour que les solutions appropriées soient mises en œuvre. A l'évidence, ces directives n'ont pas été appliquées, malgré la valse de responsables qui se sont succédés, depuis, à la tête du ministère de l'Hydraulique et de la SNDE. Le constat est clair : tant que les responsables ne se sentent pas assujettis à des obligations de résultats tangibles, il est illusoire de s'attendre à des réalisations de leur part.
En ces contrées sahélo-sahariennes, la pluie est une bénédiction qui régule la vie en milieu rural et offre, aux gens de villes, des moments de détente, de joie, de retrouvailles. Elle est désormais source d’angoisse, suite aux pertes croissantes en vies humaines et en matériel qu’elle entraîne.
C'est bien d'instituer des unités pour constater les dégâts et les réparer. Mais c'est encore mieux d'agir en mode prévisionnel. On pense notamment aux barrages qui manquent cruellement là où ils sont nécessaires et cèdent facilement là où ils existent. Est-il raisonnable de laisser filer de grandes quantités d'une eau vitale pour le pays, en subissant tragiquement les inondations qui en résultent ?
« Le croyant ne se laisse pas mordre deux fois à partir du même trou », dit le hadith. Pareillement, une nation qui a l'ambition de gravir les marches du progrès est appelée à mobiliser ses ressources pour de grands bonds en avant. Elle ne doit pas continuer, à l'image du deuxième fils, de trébucher sur les mêmes obstacles, hivernage après l'autre. Surtout quand les défis se rapportent à la maîtrise de l'eau, clé fondamentale du développement.
Mohamed Salem Elouma Memah
Entre-citoyens